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Publié le 15 avril 2005
COUR D’APPEL DE VERSAILLES 3ème chambre, le 15 avril 2005 Mme Françoise M., Association Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC-Que Choisir) c/ SA EMI Music France Mots clés : CD – mesure technique de protection – illicéité (non) – usage impossible – garantie des vices cachés – action rédhibitoire (oui) – action estimatoire (oui) – information Extraits : « (…) MOTIFS DE…
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
3ème chambre, le 15 avril 2005
Mme Françoise M., Association Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC-Que Choisir) c/ SA EMI Music France
Mots clés : CD – mesure technique de protection – illicéité (non) – usage impossible – garantie des vices cachés – action rédhibitoire (oui) – action estimatoire (oui) – information
Extraits :
« (…) MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité de l’action de l’association UFC-Que Choisir :
L’article L. 421-7 du code de la consommation prévoit que : « les associations mentionnées à l’article L. 421-1 peuvent intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l’application des mesures prévues à l’article L. 421-2 lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale ».
À juste titre l’intimée et le tribunal ont relevé qu’en l’espèce l’association UFC-Que Choisir n’avait pas agi par voie d’intervention au sens des articles 66 et 68 du nouveau code de procédure civile mais avait formé une demande aux côtés de Mme. M. dans la même assignation.
Mais l’article L. 421-7 précité interdit aux associations ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs d’agir seules. Il exige, pour que leur action soit recevable, une demande initiale d’au moins un consommateur sollicitant la réparation de son préjudice en dehors d’une infraction pénale, condition qui n’est pas en l’espèce discutée. Il n’interdit pas à l’intervenant volontaire de se joindre au demandeur principal dès l’acte introductif d’instance. En l’espèce la demande initiale introduisant l’instance est celle de Mme M. Elle constitue le support obligatoire de la demande de l’association UFC-Que Choisir laquelle avait pris soin de préciser dans l’assignation qu’elle intervenait aux côtés du consommateur.
L’action de l’association UFC-Que Choisir est recevable.
– Sur les demandes de Mme M. :
L’article 1641 du code civil sur lequel Mme M. fonde son action prévoit que : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Le constat d’huissier de justice du 5 mai 2003 produit aux débats prouve que le disque compact acheté par Mme M. fonctionne normalement sur ses lecteurs domestiques ou portables mais pas sur le lecteur dont est équipé son véhicule de marque Renault alors que cet appareil est en état de marche puisqu’il permet d’écouter d’autres disques.
Cependant ce constat constitue une preuve suffisante d’un fait dans un domaine où la preuve est libre. Certes, ce fait est limité au non-fonctionnement d’un disque. Mme M. n’avait pas l’obligation, avant de s’adresser à la Justice, de prévenir les services de
En prouvant que le disque ne fonctionne pas dans un lecteur cependant adapté, elle établit que le disque est atteint d’un vice. Il était mentionné sur la pochette, en caractères à peine lisibles, que le CD contenait « un dispositif technique limitant les possibilités de copie ». Aucune réserve d’usage sur des lecteurs n’était mentionnée. Ainsi à juste titre le premier juge a admis la qualification de vice caché du disque le rendant impropre à son usage et a condamné
La demande de dommages et intérêts de Mme M. a été écartée au motif que le vendeur ignorait les vices de
Le préjudice de jouissance supporté par Mme M. n’est pas réparé par l’action rédhibitoire, contrairement à ce que soutient
– Sur les demandes de l’association UFC-Que Choisir :
Le constat d’huissier de justice a été complété par d’autres constats effectués le 23 mai 2003, le 18 septembre 2003 qui confirment que d’autres exemplaires de CD ont été diffusés par
Le constat réalisé le 25 février 2004 à la demande de
L’association UFC-Que Choisir avance des pourcentages de problèmes de lecture plus importants et incrimine le dispositif de protection dénommé « copy control ». Si aucune explication scientifique n’est apportée, il ressort des constatations que de nombreux CD munis d’un système de protection sont atteints du même vice caché que celui de Mme M. et qu’il s’agit bien d’un vice inhérent au CD et non aux supports.
L’association UFC-Que Choisir a produit, en outre, de nombreux témoignages de consommateurs s’adressant à elle pour signaler leurs déconvenues avec des CD protégés. Ces lettres versées aux débats ne répondent pas aux formes prescrites pour les attestations prévues par l’article 202 du nouveau code de procédure civile. Cependant, elle ne sont pas nulles ou irrecevables et sont reçues aux débats en tant que présomption de preuve par écrit dans la mesure où elles sont précises sur les circonstances des incidents survenus, des CD et supports utilisés, dans la mesure où elles sont concordantes.
Tous ces faits constituent des présomptions suffisamment graves et concordantes de ce que le système de protection apposée sur le CD de Mme M. comme sur d’autres CD, est à l’origine des difficultés d’écoute sur certains supports, et que ces difficultés ne proviennent pas de supports défectueux ou obsolètes comme le prétend
L’association UFC-Que Choisir demande la cessation de l’usage de la mesure de protection contre la copie qu’elle qualifie d’agissement illicite et l’interdiction de commercialiser le CD, ces mesures étant chacune assorties d’astreinte.
Mais d’une part la preuve de l’illicéité d’une mesure technique de protection contre la copie n’est pas rapportée et d’autre part rien n’interdit à
En raison de l’insuffisance des explications techniques apportées sur le vice inhérent au CD et des délais écoulés depuis la date des constats de dysfonctionnements dans un domaine d’évolution rapide des technologies, il n’est pas approprié d’ordonner la diffusion d’un communiqué judiciaire dans des périodiques.
En revanche, la demande d’indemnité fonde sur les dispositions de l’article L. 421-1 du code de la consommation en vue de réparer le préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est justifiée à hauteur de 10 000 euros.
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Remerciement à Estelle Dumout pour la communication de cet arrêt, mis en ligne avec la complicité de Benoît Tabaka et David Mélison