Par un jugement du 3 octobre 2007, la Première Section de la Troisième Chambre du TGI de Paris a débouté le titulaire d'une marque agissant contre la société Google France (TGI Paris, 3è. ch. 1ère sect., 3 octobre 2007, Exotismes / Google France, PIBD 864 III 746).
Dans ce litige relatif au fonctionnement du système Adwords, la société Google France a été mise hors de cause au motif que les pièces qu'elle a versées montrent qu'elle "est une société française créée en 2002, filiale de Google Inc. dont elle n'a reçu aucun pouvoir quant à l'administration du système Adwords y compris sur le territoire français, (ce système étant géré pour l'Europe à travers la filiale irlandais de la société Google Inc.), ni pour représenter en France la société américaine ; que la société Google Inc. est restée l'éditeur du site www.google.fr".
Cette solution est radicalement opposée à celle retenue ultérieurement par la Troisième Section de la même Chambre dans l'affaire Belle Literie (TGI Paris, 3è. ch. 3ème sect., 12 décembre 2007, Syndicat Français de la Literie / Google France, Legalis.net [résumé en anglais sur Class 46]).
Les magistrats de la Troisième Section se sont montrés un peu plus perspicaces que leurs collègues de la Première Section, en faisant jouer la théorie de l'apparence.
Le jugement du 12 décembre 2007 retenait en effet que :
"(...) la société Google France est présentée aux yeux du public français comme étant le gestionnaire des liens sponsorisés ainsi qu’il ressort de nombre d’interviews données par son gérant Monsieur Mats C. De plus, une seule société Google est immatriculée en France, Google France. Cette dernière est présentée, sans qu’elle ne l’ait jamais contesté, dans de nombreuses décisions, dont une décision du Conseil de la Concurrence, comme étant le prestataire des services publicitaires de Google. Enfin, la facturation des services de publicité n’est pas opérée aux Etats Unis mais en Irlande, ce qui ne peut qu’ajouter à la confusion et enfin la société Google communique son adresse en France dans le cadre son activité de service de publicité.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments, ajoutés au fait que ni le consommateur, ni l’annonceur (1) n’ira vérifier laquelle parmi les sociétés Google française, irlandaise ou américaine a la responsabilité de la gestion des liens sponsorisés apparaissant sur le site internet Google France, l’organisation interne du groupe et les liens entre la société mère et ses filiales n’étant pas apparente ni explicitée sur les pages de gestion du système Adwords, que la société Google France apparaît et se comporte comme étant responsable de l’activité publicitaire du site internet portant le même nom, Google France.
II convient en conséquence de rejeter la demande de mise hors de cause de la société Google France."
Le manque de cohérence entre les solutions retenues par ces deux formations (sur un simple point de procédure) montre s'il est besoin que la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle conduira à une clarification de la jurisprudence.
Il ne reste qu'à attendre la publication des décrets d'application de la loi du 30 octobre 2007, vraisemblablement retardée par le débat sur la réforme de la carte judiciaire.
(1) En l'espèce notons toutefois que ce n'est pas le consommateur ou l'annonceur auxquels il faudrait se référer, mais le titulaire des droits sur la marque invoquée, lequel n'a pas (a priori) de liens contractuels avec les sociétés Google.
Frédéric Glaize
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net
Conseil en Propriété Industrielle
www.museedesmarques.org (blog)