Nota : les services de l'Assemblée nationale ont porté à notre connaissance le fait que la version du rapport ici commentée est une version provisoire et non la version définitive. Cette version provisoire n'a pas été validée par les deux co-rapporteurs et ne saurait les engager. La version officielle devrait être mise en ligne la semaine prochaine.
A été dévoilée récemment une pré-version du rapport d'information fait au nom de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur l'application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Ce rapport revient ainsi sur sa mise en application et fait quelques propositions.
Concernant la mise en application de la LCEN, le rapport provisoire relève que s'agissant de la parution des décrets d'application, il n'y a pas eu de "mauvaise volonté" de la part des pouvoirs publics dès lors que tous les décrets sont parus, à l’exception de cinq :
- le décret sur les informations concernant les éditeurs que les hébergeurs doivent conserver, décret extrêmement délicat, est en phase finale : il a été examiné par la CNIL le 20 décembre et a été depuis transmis au Conseil d’État.
– le décret prévu à l’article 22 concernant la prospection automatique par automate est également en phase finale. Son objet est cependant limité par rapport à la problématique du « spamming », qui est pour l’essentiel régi par des dispositions d’application directe.
– le décret relatif à l’adaptation des règles du e-commerce à la téléphonie mobile est aujourd’hui considéré comme non nécessaire. Il n’y a pas aujourd’hui d’exercice du e-commerce par ce moyen.
– le décret sur la restriction possible de l’accès aux informations de certains sites pour des raisons de sécurité a été bloqué par une rédaction fautive de la loi qui ne permettait pas de le prendre. Une modification de la rédaction de la loi par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance va permettre la prise du décret.
Enfin, il faut mentionner spécialement le décret prévu par l’article 55 de la loi. Cet article prévoyait l’attribution de numéros gratuits, y compris depuis des mobiles, pour la consultation par téléphone de certains services publics. Il n’a jamais été pris. La raison en est que, quoi qu’il arrive, l’opérateur facture l’appel ; lorsqu’il n’est pas facturé à l’appelant, il est facturé à l’appelé. Les services publics qui auraient pu être concernés ne se sont évidemment pas manifestés : aucun service public n’a souhaité mettre à sa charge un dispositif d’appel gratuit financé par lui-même.
Mais surtout, le rapport provisoire s'arrête longuement sur le statut de ces acteurs de l'internet appelés communément des hébergeurs. Ainsi, "Les rapporteurs considèrent que d’une part le statut d’hébergeur doit être préservé contre les interprétations jurisprudentielles qui aboutissent, au contraire de la lettre de la loi, à le confondre avec celui d’éditeur, mais que les hébergeurs doivent aussi mieux appliquer les dispositions de la loi qui les obligent à présenter les moyens qu’ils mettent en oeuvre pour assurer le respect par les éditeurs hébergés des dispositions de la loi sur la lutte contre les déviances".
Plus précisément, le rapport provisoire retient les éléments suivants :
A propos des décisions MySpace et Tiscali : "Ces deux décisions posent problème. En effet, un fournisseur d’hébergement est nécessairement conduit à structurer l’information qu’il stocke sur son ou ses serveurs. Il doit en effet au moins allouer à l’hébergé un espace déterminé de son serveur et, pour que l’internaute puisse consulter cet espace, rendre visible cette structure au sein de la page même sur laquelle figurent les informations hébergées.
La structure donnée au service d’hébergement participe donc de l’essence même de ce service.
La loi ne fait d’ailleurs pas dépendre la qualité d’hébergeur de la manière dont le service d’hébergement est organisé.
En tout état de cause, un hébergeur qui définit une typologie des blogs sur son site, et qui ventile ces blogs, au sein du classement qu’il a établi, en fonction de leur nature annoncée a une action beaucoup plus proche de celle d’une chaîne de kiosques à journaux, qui regroupe sur ses présentoirs les magazines en fonction de leurs centres d’intérêt, que celle d’un éditeur".
En ce qui concerne les critiques liées à la présence de la publicité, le rapport provisoire écarte aussi ce point : "S’agissant du modèle économique, il faut souligner que ni la directive 2000/31/CE ni l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique n’opèrent de distinction entre les prestataires de services sur ce critère. De fait, on ne voit pas en quoi le choix d’une rémunération par la publicité plutôt que par l’hébergement entraînerait une modification du statut de l’hébergeur : il n’y a pas plus dans un cas que dans l’autre de contrôle des contenus.
Enfin, la condamnation du modèle de la gratuité rémunérée par la publicité n’est pas seulement contraire à la loi. Elle porte gravement atteinte, également, aux intérêts des utilisateurs d’Internet."
"La frontière entre le statut d’hébergeur et celui d’éditeur doit donc bien rester, comme l’a voulu la loi, non pas celle de la fourniture d’outils de présentation ou l’organisation de cadres de présentation sur les sites, mais la capacité d’action sur les contenus".
A l'inverse des décisions Tiscali et MySpace, le rapport provisoire revient sur les jugements rendus dans les diverses affaires DailyMotion, Google Video et Youtube estimant que ces décisions semblent "beaucoup plus en adéquation avec l’esprit de l’article 6 de la LCEN que celles décrites précédemment". En effet, "le tribunal n’instaure par d’obligation générale de surveillance. C’est une obligation particulière de surveillance qui est imposée et ce uniquement sur les contenus dont la diffusion a été notifiée comme illicite au fournisseur d’hébergement. L’activité de surveillance est donc ciblé".
Au final, un seul acteur semble ne pas sortir indemne de cette analyse. En effet, les sites de courtage en ligne sous forme d'enchères, en l'espèce eBay, sont également analysés par les rapporteurs. Ces derniers en concluent provisoirement que "il est nécessaire d’adopter un statut particulier pour les sites d’enchères tels qu’ebay ; le statut d’hébergeur qui est le leur, et qui les dispense de toute responsabilité concernant les objets vendus, ne paraît pas totalement adapté".