C’est l’avis rendu par l’Avocat Général Luis Miguel Poiares Pessoa Maduro à la Cour de justice des Communautés européennes dans des conclusions déposées le 22 septembre 2009 dans le cadre des affaires jointes « Louis Vuitton » (C-236/08), « Bourses des vols » (C-237/08) et « Eurochallenges » (C-238/08).
Pour rappel, la Cour de justice des Communautés européennes a été saisie par la Cour de cassation française, de questions préjudicielles tendant notamment à savoir si l’utilisation d’un mot-clef correspondant à une marque doit être considérée comme un usage de cette marque, exposant l’utilisateur au délit de contrefaçon s’il n’a pas obtenu l’autorisation du titulaire de la marque pour une telle utilisation.
Dans le cadre des questions préjudicielles qui lui ont été posées, la Cour de justice des Communautés européennes sera ainsi amenée à se prononcer sur la légalité de l’usage des mots-clefs par la société Google dans son système de publicité AdWords.
Dans un communiqué de presse n°75/09 daté du même jour, la Cour relaye les conclusions de l’Avocat Général qui « estime que Google n’a pas enfreint les droits de marque en permettant aux annonceurs d’acheter des mots-clefs correspondant à des marques enregistrées » et que « ni AdWords, ni le moteur de recherche Google n’affectent ou ne menacent d’affecter la fonction essentielle de la marque […] qui est de garantir aux consommateurs l’origine des produits ou services [ni] les autres fonctions de la marque, notamment celles de la garantie de la qualité des produits ou services, de la communication, de l’investissement ou de la publicité ».
En substance, l’Avocat Général n’entend pas étendre la portée de la protection conférée par le droit des marques aux agissements des parties tendant à faciliter des atteintes aux marques commises par des tiers.
C’est bien la contrefaçon par complicité qui est au cœur de la réflexion de l’Avocat Général et qui selon lui, ne doit pas être traitée sous l’angle du droit des marques mais sous l’angle du droit de la responsabilité civile.
En clair, lorsque la société Google propose son système de publicité AdWords (que ce soit au stade de la sélection des mots clefs ou de l’affichage des annonces) à des annonceurs qui l’utilisent pour porter atteinte à des marques, la société Google n’est pas contrefacteur mais elle pourra voir sa responsabilité civile délictuelle engagée, au cas par cas.
C’est aussi dans cette perspective que l’Avocat Général s’est penché sur la question préjudicielle de la responsabilité de la société Google et de l’éventuelle exonération de responsabilité en matière d’hébergement dont elle pourrait bénéficier. Cette question a été posée subsidiairement par la Cour de cassation française dans l’hypothèse où la Cour de justice des Communautés européennes conclurait à l’absence de contrefaçon.
C’est ainsi que l’Avocat Général s’est posé la question de savoir si, en application de l’article 14 de la directive n°2000/31 (dite « Directive sur le commerce électronique »), l’exonération de responsabilité d’hébergement peut bénéficier à la société Google s’agissant de son moteur de recherche Google et de son système de publicité Google AdWords.
Après avoir conclu que le moteur de recherche Google et le système AdWords sont des services de la société d’information couverts par ladite directive, l’Avocat Général a affirmé que l’exonération de responsabilité prévue à l’article 14 de ladite directive ne pourra pas profiter à la société Google en ce qui concerne le système AdWords.
L’avis de l’Avocat Général ne s’impose pas à la Cour de Justice des Communautés Européennes, seule habilitée à répondre aux questions préjudicielles de la Cour de cassation française. L’avis de l’Avocat Général analyse en détail les aspects notamment juridiques du litige et propose en toute indépendance à la Cour de Justice la réponse qu'il estime devoir être apportée au problème posé.
Reste à savoir si la Cour de justice suivra ou non, l’avis de l’Avocat Général.
Dans l’affirmative, les conclusions accessibles depuis le site de la Cour, nous donnent déjà un bon aperçu de ce que pourrait être la décision à venir et de ce que la bataille des liens commerciaux se déplacerait du terrain de la contrefaçon des marques vers celui de la responsabilité civile délictuelle du prestataire de service de référencement mais aussi des annonceurs.
Vincent Pollard
Avocat au Barreau de Marseille
Département Propriété Intellectuelle, Nouvelles technologies, Contrats et Distribution
vpollard@taj.fr
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