Le Conseil constitutionnel a validé, par décision du 22 octobre 2009, l’essentiel du dispositif HADOPI 2.
Seule une disposition a fait l’objet d’une censure. Les sages ont en effet estimé que la Constitution imposait au législateur de préciser les modalités selon lesquelles le juge pourra, dans le cadre de la procédure pénale accélérée, statuer sur les demandes de dommages et intérêts présentées par les « victimes » du partage de fichiers. Selon le communiqué de presse publié par le Conseil : « le législateur a méconnu sa compétence ne fixant pas lui-même les précisions nécessaires à l'application de la loi. En conséquence, le Conseil constitutionnel a censuré, pour incompétence négative, à l'article 6.II de la loi, le deuxième alinéa de l'article 495-6-1 du code de procédure pénale. »
Une première question mérite alors d’être posée : une nouvelle intervention législative est-elle nécessaire à l’application de la loi ?
Juridiquement, la réponse est non. La censure prononcée n’empêche nullement l’entrée en vigueur et donc l’application de la loi aux citoyens. Le Gouvernement pourrait ainsi décider de s’abstenir de légiférer à nouveau sur cette question. Politiquement, cette abstention serait néanmoins gênante puisque les « ayants droit » n’auraient pas la possibilité de présenter leurs demandes de dommages et intérêts. Paradoxale donc, une non intervention rendrait impossible l’octroie de subsides à ceux dont la loi cherchait précisément à protéger le porte-monnaie.
Une seconde question se pose alors : quelle forme pourra prendre cette intervention ?
Juridiquement, plusieurs solutions sont envisageables : cette intervention pourra donner lieu à un nouveau projet. Mais l’hypothèse est peu plausible. Pourquoi donc le Gouvernement prendrait-il cette peine lorsqu’on sait les contraintes juridiques qui sont les siennes : rédaction d’une étude d’impact, avis du Conseil d’Etat, respect des délais constitutionnels etc… Surtout, ce Gouvernement se passera volontiers d’une publicité autour d’un texte HADOPI 3 qui donnerait à penser qu’il traine toujours ce boulet législatif. C’est pour cette même raison que le dépôt d’une proposition de loi apparait également improbable. Â
En somme, l’hypothèse d’un « patch HADOPI 3 » qui prendrait la forme d’un amendement-cavalier semble la plus crédible. A l’occasion de l’examen d’un texte devant le Parlement, le Gouvernement pourrait ainsi déposer un amendement complétant le dispositif existant. Cette solution cumulerait ainsi les avantages : d’une part, le Gouvernement esquiverait un certain nombre de contraintes juridiques, d’autre part, il pourrait ainsi noyer l’amendement HADOPI 3 dans la masse d’un nouveau texte. Enfin, depuis la révision constitutionnelle de 2008, les cavaliers législatifs sont largement couverts par l’article 45 de la Constitution qui prévoit désormais que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». N’importe quel texte concernant de près ou de loin la procédure pénale pourrait ainsi faire l’affaire du Gouvernement…
La hasard fait parfois bien les choses… La discussion programmée à l’Assemblée nationale d’un projet de loi « tendant à amoindrir les risques de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale »…. offre au gouvernement une fenêtre de tir idéal pour mettre sur orbite sa loi HADOPI.
Vito Marinese
Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université Paris X Nanterre
Conseiller parlementaire du groupe socialiste de l’Assemblée nationale