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CJUE - Affaire C-128/11 - Conclusions de l’AG Y. Bot présentées le 24 avril 2012
Les conclusions de l’Avocat général Yves Bot (« AG ») présentées le 24 avril 2012 dans l’affaire opposant Oracle à UsedSoft (1), demande de décision préjudicielle actuellement pendante devant la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE »), constituent un nouveau pavé dans la mare des titulaires de droit, déjà bien chahutés par la récente affaire FAPL(2).
Dans ses conclusions, l’AG considère en effet que la règle de l’épuisement des droits doit s’appliquer, non seulement aux exemplaires physiques d’un logiciel vendu dans l’Union européenne, mais également aux logiciels commercialisés sous forme dématérialisée qui sont téléchargés à titre définitif. Sans retenir l’application de la Directive 2001/29/CE qui tend à écarter l’application de l’épuisement des droits aux services en ligne et aux biens immatériels, l’AG considère, a contrario des positions de la Commission européenne et de plusieurs Etat membres (3), qu’un exemplaire téléchargé depuis une plateforme de distribution sur Internet devrait suivre le même régime que l’exemplaire commercialisé sur un support physique.
Pour autant, l’AG refuse de valider la pratique de UsedSoft de vente de logiciels dits « d’occasion », déjà condamnée par les juridictions allemandes saisies par Oracle. Selon l’AG, la cession des droits d’utilisation conférés par une licence du type Oracle relève du droit de reproduction (et non du droit de distribution) qui ne saurait être altéré par la règle de l’épuisement des droits sans porter atteinte à la substance même du droit d’auteur.
Si ce dernier volet des conclusions de l’AG bat en brèche le modèle économique de UsedSoft à l’avantage de l’éditeur de logiciel en cause, il convient de s’interroger sur les conséquences d’un arrêt de la CJUE qui, s’inscrivant dans la lignée des conclusions, déciderait de l’applicabilité de la règle de l’épuisement des droits aux exemplaires téléchargés depuis une plateforme de distribution en ligne.
A l’heure où la dématérialisation de la distribution de logiciels et de contenus culturels (musique, film, jeux vidéo) est synonyme d'innovation (notamment via les offres « Cloud ») et de développement (4), il convient d'observer avec attention les développements de la jurisprudence européenne sur ces questions et leur impact potentiel sur les modèles en devenir.
(1) Affaire C-128/11, Axel W. Bierbach, curateur à la faillite de UsedSoft GmbH contrat Oracle International Corp.
(2) Affaires C-403/08 et C-429/08 Football Association Premier League et autres / QC Leisure et autres, Karen Murphy / Media Protection Services Ltd, arrêt rendu par la CJUE le 4 octobre 2011. Dans ces affaires, la CJUE a considéré qu’un système de licences pour la retransmission des rencontres de football, qui accorde aux radiodiffuseurs une exclusivité territoriale par État membre et qui interdit aux téléspectateurs de regarder ces émissions avec une carte de décodeur dans les autres États membres, est contraire au droit de l’Union – voir communiqué de presse http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-10/cp110102fr.pdf.
(3) Par voie d'intervention, les gouvernements français, espagnol, irlandais et italien ont soutenu de manière plus orthodoxe que le droit de distribution d'un programme d'ordinateur n'est épuisé que lorsque la copie de ce programme est mise en circulation en étant incorporée à un support tangible
(4) Voir récente étude IDATE « Le marché mondial des jeux vidéo » - http://www.01net.com/editorial/564881/2015-les-jeux-video-pourraient-valoir-plus-de-60-milliards-d-euros/.