Parmi la pléthore d’actions judiciaires gravitant autours de la société Père Noël (Cédric Manara, "Les risques juridiques liés à internet, chantés par Tino Rossi", Juriscom.net, 26 février 2003), une décision (TGI Lons le Saunier, Pere-Noel.fr c/ Aricia, 14 janvier 2003, Expertises n° 268 p. 112) présentait l’intérêt d’être la première à prononcer la nullité d’une marque en raison des droits antérieurs attachés à un nom de domaine. Enfin les noms de domaine cessaient d’être à la merci des marques, signes distinctifs redoutables d’efficacité !
Pourtant dans cette affaire, la chronologie des faits, les relations entre les parties, la multiplicité et la nature juridique plutôt variée des signes distinctifs en cause de part et d’autre permettaient difficilement au jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Lons Le Saunier de rayonner de la clarté qui l’autorise à faire jurisprudence. Il fallait pour cela attendre l’intervention – un peu loupée pour le coup – d’une consoeur de Madame Soleil.
Madame B. S., titulaire de la marque "Provoyance la solution immédiate" exerce son activité notamment au travers du site <provoyance.fr>. Comme la vision, dans son navigateur, d’un site concurrent accessible par les noms de domaine <provoyance.com> et <pro-voyance.com> a suscité son ire, elle en assigne le titulaire en contrefaçon, invoquant l’imitation de sa marque.
Le défendeur, la société TI System, formule de son côté une demande reconventionnelle en nullité de la marque de Madame B. S. exposant, preuves à l’appui, que l’enregistrement de ses noms de domaine et l’exploitation de son site étaient antérieurs au dépôt de la marque et à l’enregistrement du nom de domaine <provoyance.fr>.
Le moyen de défense est pertinent puisque, de façon concordante, plusieurs décisions ont considéré que lorsque le nom de domaine est distinctif, sa protection peut être admise à la condition d’en démontrer l’exploitation effective et publique.
Ce critère permet en l’espèce la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel énonce de façon non limitative (donc sans exclure les noms de domaine) les droits antérieurs auxquels une marque ne saurait porter atteinte.
Ainsi, selon les juges [Legalis.net], le dépôt de la marque "Pro-voyance la solution immédiate" « a porté atteinte aux droits antérieurs de la société TI System que celle-ci tient de l’enregistrement et de l’exploitation des noms de domaine <pro-voyance.com> et <provoyance.com> ». L’exploitation du nom de domaine <provoyance.fr> caractérise, quant à elle, des actes de concurrence déloyale à l’égard des noms de domaine antérieurs de la société TI System.
Le tribunal prononce en conséquence la nullité de la marque, la radiation du nom de domaine de la demanderesse et la condamne au versement de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Frédéric Glaize
Conseil en Propriété Industrielle
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net