Une proposition de directive émanant de la Commission européenne est actuellement en cours d’adoption au Parlement européen. Cette proposition de directive, en date du 30 janvier 2003, porte sur les mesures et procédures permettant d’assurer le respect des droits de propriété intellectuelle (COM (2003) 46) [europa.eu.int - PDF].
Ce projet constitue l’aboutissement d’une longue réflexion menée au niveau européen. La Commission avait en effet dès le 15 octobre 1998 présenté un Livre vert sur la lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur (COM (98) 569 final) [europa.eu.int]. Cet exercice de consultation a permis d’engager un débat profond sur ce thème avec tous les milieux intéressés. Il a confirmé que les disparités entre les régimes nationaux de sanctions des droits de propriété intellectuelle rendent difficiles la lutte contre la contrefaçon et la piraterie. En constante augmentation, ces phénomènes, qui exploitent notamment les disparités nationales, ont des effets préjudiciables sur le bon fonctionnement du marché intérieur.
La proposition de directive, qui se veut horizontale, vise donc à créer des conditions d’égalité pour l’application des droits de propriété intellectuelle dans les Etats membres, alignant les mesures d’exécution dans toute l’Union. Il s’agit de réaliser le marché intérieur dans le domaine de la propriété intellectuelle, en assurant le respect du droit matériel de la propriété intellectuelle.
Le 29 novembre dernier, le Comité Economique et Social a émis son avis sur la proposition, qui est actuellement soumise à l’examen du Parlement. Le rapport de Madame Janelly Fourtou, déposé le 5 décembre 2003, a été adopté en première lecture le 9 mars 2004.
Les moyens couverts par la proposition de directive s’appliquent à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle, commise à des fins commerciales ou lorsque cette atteinte cause un préjudice substantiel au titulaire. Cependant, le texte approuvé par le Parlement européen précise uniquement que la directive s’applique à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
Concrètement, les Etats membres ont une obligation générale de prévoir les mesures et procédures nécessaires et proportionnées pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Toute atteinte au droit de propriété intellectuelle doit être passible de sanctions, qui doivent être effectives, proportionnées et dissuasives et remettre le titulaire dans la situation dans laquelle il se trouvait en l’absence de l’atteinte en cause. La Commission s’est inspirée de l’article 41 de l’accord ADPIC.
La proposition définit également les personnes ayant qualité pour demander l’application de ces mesures.
Suit toute une série de mesures que les Etats membres devront mettre à la disposition des autorités compétentes.
Il est par exemple question de la constitution de preuves, ou du droit d’information sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou de fourniture de services litigieux.
Des mesures provisoires sont prévues, telles que l’injonction sous astreinte. De telles mesures, qui pourront dans certains cas être adoptées sans que l’autre partie soit entendue, sont d’importance capitale en matière d’atteinte à la propriété intellectuelle où il est fréquent que le titulaire ait un intérêt à agir rapidement.
Au titre des mesures conservatoires, l’on peut citer la saisie conservatoire.
En outre, la proposition envisage les mesures résultant d’un jugement au fond : rappel des marchandises litigieuses mises sur le marché, destruction des marchandises, ou encore mesures préventives et alternatives.
La proposition harmonise également le montant des dommages et intérêts, qui devra correspondre au double du montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question, ou au préjudice subi du fait de l’atteinte.
Par ailleurs, la proposition envisage des dispositions de droit pénal pour sanctionner les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, mais le Parlement a voté contre cette obligation faite aux Etats membres d’établir des sanctions pénales.
Enfin, la proposition envisage de prévoir une protection juridique des dispositifs techniques, comme c’est le cas dans la directive du 22 mai 2001 [foruminternet.org] dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins.
Les Etats Membres auront dix-huit mois à compter de l’adoption de la directive pour se conformer à la directive.
Reste à attendre le texte final de la directive, qui est encore loin d’être adopté.
Iliana Boubekeur
Avocat au Barreau de New York
iliana_b@yahoo.com