Si les Etats-Unis ont connu la chasse aux sorcières de Salem, la France connaît à l’heure actuelle, la chasse aux consommateurs de P2P. De nombreux consommateurs sont en effet poursuivi dans le cadre d’actions pénales et civiles par le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique) et la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à 300.000 euros d’amende et 3 ans de prison.
Les actions entreprises
Suite à une chute des ventes de disques régulière depuis le dernier trimestre 2002, due, selon les majors du disque, au téléchargement sur les réseaux P2P, le SNEP avait lancé, en mai 2004, une campagne publicitaire visant à informer et prévenir de telles pratiques. La campagne “la musique a un prix” affichait clairement que le téléchargement illicite se solderait par des poursuites pénales.
Mais le manque de succès de cette campagne publicitaire qui n’a pas su limiter les téléchargements illicites et revitaliser les ventes de disques, amenait la SCPP, autorisée à agir contre les présumés fraudeurs, à porter une vingtaine de plaintes contre X. Ce chiffre s’élève aujourd’hui à une cinquantaine, comme l’indiquait le SNEP et la SCPP dans un communiqué [scpp.fr] de presse du 7 octobre 2004. Au total, dans le cadre d’un mouvement européen de lutte contre la piraterie musicale, 683 actions civiles ou pénales seraient en cours.
Selon la SCPP, de telles actions, notamment pénales, ont un impact considérable sur la réduction des activités de piraterie. En effet, selon le communiqué de presse de la SCPP, le téléchargement illégal de musique sur Internet aurait été réduit de 30%, et la fréquentation des sites permettant le téléchargement aurait baissé de 41% depuis le commencement des actions judiciaires en juin 2003 aux Etats-Unis.
Un moratoire pour les internautes
Pour les internautes faisant l’objet des premières poursuites judiciaires, notamment pénales, la méthode choisie paraît disproportionnée, d’autant plus qu’elle est relativement agressive et que la campagne de prévention conduite avait été de courte durée. Après la mobilisation des associations de consommateurs (telle la CLCV et UFC Que Choisir) qui avaient lancé un appel afin d’être informées par les consommateurs de toutes poursuites dont ils feraient l’objet, le PS a demandé au gouvernement et aux producteurs de musique un moratoire sur les poursuites engagées.
Une reforme nécessaire
Selon le PS qui s’oppose aux poursuites entreprises, il faut clarifier le statut du téléchargement (communiqué de presse d’Anne Hidalgo, "Filière musicale et P2P", parti-socialiste.fr, 5 octobre 2004). Cette prise de position fait suite au dépôt par Christian Paul (Nièvre) fin septembre d’une proposition de création d’une mission d’information à l‘Assemblée, chargée d’examiner la situation actuelle et de proposer une reforme législative visant à légaliser le téléchargement tout en préservant la juste rémunération des artistes.
Le projet s’inspire de la récente reforme espagnole selon laquelle le téléchargement à but non lucratif de musique et de films est légal. Notons toutefois que l’Espagne est l’un des 10 pays du monde dans lequel, selon la Fédération Internationale de l’industrie phonographique (IFPI), la protection et l’application du droit de la propriété intellectuelle sont défaillants et le niveau de piratage inacceptable ("Music pirate sales hit record 1.1 billion discs but spread of fake CD trade slows", ifpi.org, 22 juillet 2004).
Pour l’heure les consommateurs mis sur le bûcher devront attendre la décision des juges afin de savoir s’ils vont rôtir. On estime que les premières décisions pénales ne devraient pas intervenir avant l’été 2005.
Dans l’intérim, la SCPP a annoncé que des actions de préventions seront menées, notamment par l’intermédiaire des fournisseurs d’accès, pour sensibiliser les abonnés. Egalement, les producteurs de disques ont promis une offre diversifiée et des possibilités de téléchargement à bas prix.
Christine Riefa
Membre du Comité éditorial de Juricom.net
Professeur de droit,
Faculté de droit de Brunel, Angleterre