Alors que les premières résiliations sur Internet sont intervenues pour contrer le téléchargement illégal de musique via les réseaux P2P (Florent Latrive, "Des téléchargeurs coupés net du Net", Liberation.fr, 11 décembre 2004), la bataille de l’industrie française du disque contre les pirates se précise au pénal. Un internaute français de 28 ans se retrouvait attrait devant le Tribunal correctionnel de Cergy Pontoise, le 15 décembre dernier, pour avoir téléchargé et mis à disposition de la musique. Il est visé par la cinquantaine de plaintes déposées par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), les maisons françaises du disque (Estelle Dumout, "Catherine Kerr-Vignale (Sacem) :Nous allons poursuivre les internautes qui sont de gros "uploaders"", Zdnet.fr, 19 novembre 2004).
Il est difficile de prédire l’issue de ce jugement, attendu pour le 2 février prochain. Les juges seront-ils sensibles au raisonnement de la défense, selon lequel l’internaute n’aurait, ni commercialisé, ni mis ses fichiers à disposition ? On garde à l’esprit, en effet, le jugement [Juriscom.net] du Tribunal correctionnel de Rodez du 13 octobre dernier qui avait relaxé le prévenu en faisant une interprétation large de l’exception pour copie privée. Avec cette conclusion : « la preuve d’un usage autre que strictement privé tel que prévu par l’exception de l’article L.122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle par le prévenu des copies qu’il a réalisé n’apparaissant pas rapportée en l’espèce, il convient d’entrer en voie de relaxe à son égard » (Voir aussi Sabrina Brandner, "P2P : relaxe d'un internaute copiste à Rodez", Juriscom.net, 15 octobre 2004).
Mais en l’espèce, l’argumentation de la défense n’a pas su convaincre le Procureur de la République de Cergy-Pontoise, selon lequel le délit de contrefaçon de l’article L 335-2 du code de la propriété intellectuelle est quand même constitué (« Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit » dispose l’article L335-2).
Au final, le Procureur demande 1.500 euros d’amende, en sus des 28.366 euros de dommages et intérêts réclamés par les parties civiles.
Il faut dire que le tribunal correctionnel de Blois vient de rendre quant à lui, le 7 décembre dernier, un jugement plutôt sévère à l’encontre de 2 informaticiens s’étant laissés tenter par le téléchargement via le P2P. Le tribunal a suivi les réquisitions du Procureur de la République en estimant que les copies saisies représentaient autant de films et de logiciels qui n'avaient pu être vendus. Verdict : 2 mois de prison avec sursis et 20.000 euros de dommages et intérêts.
Alors, contrefaçon, pas contrefaçon ? Réponse le 2 février.
Sandrine Rouja
Rédactrice en chef de Juriscom.net