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Rubrique : actualités / Branche : propriété littéraire et artistique / Domaine : droits d'auteur et droits voisins
Citation : Juriscom.net, Cédric Manara , Au délit avec Madonna , Juriscom.net, 27/10/2005
 
 
Au délit avec Madonna

Juriscom.net, Cédric Manara

édité sur le site Juriscom.net le 27/10/2005
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C’est à titre exceptionnel que Madonna a reçu l’autorisation des membres du groupe Abba d’utiliser un échantillon de leur titre "Gimme, gimme, gimme", dans sa dernière chanson "Hung up" (D. Lévesque, "Madonna a supplié Abba", MusiquePlus, 18 octobre 2005). Ce titre figure dans son nouvel album, dont la promotion mondiale est à la hauteur de la réputation de la star.

Pour la sortie en France de "Hung up", la société France Télécom a obtenu l’exclusivité des droits de l’éditeur de Madonna, Warner Music. Pendant une période limitée, l’opérateur téléphonique s’est vu concéder l’autorisation de diffuser la chanson sur différents supports. C’est ainsi que France Télécom a d’abord mis à disposition un extrait de cette chanson pour qu’il soit téléchargé comme sonnerie de téléphone portable. Parallèlement, France Télécom offre à l’écoute une partie de la chanson, dont l’intégralité est proposée en téléchargement payant sur Wanadoo, depuis le 10 octobre (S. Davet, S. Lauer et B. Lesprit, "Madonna au coeur d’un conflit opposant France Télécom et Virgin Megastore", Le Monde, 27 octobre 2005). Cette exclusivité devait durer jusqu’à la sortie en France de l’album de Madonna, le 14 novembre prochain… mais elle n’existe plus de fait !

Première plateforme commerciale de distribution de musique en ligne en France, VirginMega s’est en effet procurée l’œuvre immatérielle de la material girl, qu’il est désormais possible de le télécharger sur son propre site… et ce titre est même numéro un des ventes sur VirginMega (G. Champeau, "Madonna numéro un de l’illégalité", Ratiatum, 25 octobre 2005) ! L’histoire a été assez largement relayée, dans la presse ou sur les blogs, et nombre d’auteurs se sont gaussés d’une plateforme de distribution de musique qui contrefait une œuvre, à des fins commerciales. Cela mérite aussi un rapide commentaire juridique.

Il est en effet prodigieux, alors que tous les commentateurs s’accordent à dire qu’il s’agit là d’une contrefaçon, que ce délit puisse subsister ! La loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 a prévu un mécanisme permettant de lutter rapidement contre la commission d’une infraction en ligne, en incitant l’hébergeur à agir promptement pour retirer des données dont ils auraient connaissance de leur caractère illicite. Faute de retrait, l’hébergeur peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée (article 6).

Les mentions légales du site VirginMega (consultées le 26 octobre) indiquent qu’il « est hébergé sur les matériels de VirginMega et administré par la société A. ». Il serait délicat de déduire de cette mention laquelle de ces deux sociétés assure effectivement l’hébergement, mais dans l’hypothèse où l’éditeur du site assure son propre hébergement, cette « affaire Madonna Â» pourrait montrer les limites de la procédure définie à l’article 6 : on peut persister à violer un texte dès lors que l’on est son propre hébergeur… La société de distribution de musique estime vraisemblablement que ses gains (médiatiques ou financiers) sont supérieurs aux pertes qui pourraient résulter d’une action en justice.

Ce comportement de la part d’une société commerciale n’est pas une situation nouvelle. Dans le chapitre de son livre Free Culture consacré aux « pirates Â» de la propriété intellectuelle (Penguin press, 2004, p. 53 et s., également disponible en ligne - PDF), Lawrence Lessig montre qu’historiquement ces « pirates Â» ne sont pas les individus, mais les sociétés : aux Etats-Unis, l’industrie du cinéma s’est installée à Hollywood pour échapper au paiement des redevances aux ayants droit d’Edison, l’industrie de la musique doit ses premiers bénéfices à la vente d’enregistrements faits sans l’accord des compositeurs, l’industrie de la radio n’est pas tenue de s’acquitter des droits voisins, et l’industrie du câble a longtemps refusé de rémunérer les chaînes et les créateurs dont elle retransmettait les contenus ! L’affaire n’est donc pas isolée… mais l’exemple est désastreux : alors que des campagnes pédagogiques ou de prévention sont menées pour sensibiliser les internautes au respect des droits, comment expliquer maintenant qu’un distributeur de musique en ligne peut offrir au téléchargement un fichier musical sur lequel il est notoire qu’il n’a pas de droits ?

Cédric Manara

Professeur associé, EDHEC Business School

Membre du comité scientifique de Juriscom.net

 

 

 

 

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