Un internaute a été relaxé par le TGI de Paris alors qu'il avait téléchargé et mis à la disposition du public un peu moins de deux milliers de titres.
Le tribunal a en effet estimé, dans sa décision du 8 décembre 2005 (récemment publiée sur Juriscom.net) à l'instar de la plupart des juridictions françaises qui se sont prononcées sur ce type d'affaires, que le téléchargement relève de la copie privée quelle que soit la source de cette copie. On ne devrait donc plus, théoriquement, parler de "piratage" ou de contrefaçon pour le téléchargement des oeuvres, cette qualification ne trouvant pas d'échos en droit positif français.
Mais l'intérêt de ce jugement est ailleurs. Il s'agit de la première décision qui relaxe un internaute ayant mis des oeuvres à la disposition du public. Les juges se sont fondés, pour cela, sur la bonne foi de l'utilisateur.
A ce titre, les principaux attendus du jugement sont des plus inhabituels :
« Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte qu'il n'existe aucune présomption de mauvaise foi du fait du recours à un logiciel de partage ni aucune présomption de refus d'autorisation de mise en partage des ayants droit d'oeuvres musicales ; que ce type de logiciel permet également d'accéder à des fichiers d'oeuvres tombées dans le domaine public, autorisées par leurs ayants droit ou libres de droits ; qu'en l'espèce, sur 1875 fichiers musicaux, objets de la poursuite, seuls 1212 correspondent à des oeuvres dont la situation juridique est définie de façon certaine ;
Attendu qu'en procédant au téléchargement de fichiers musicaux, le prévenu a seulement placé une copie des oeuvres dans des répertoires partagés accessibles à d'autres utilisateurs ; qu'il ne disposait d'aucune information pour éviter l'usage d'oeuvres dont la diffusion n'était pas licite ; qu'en particulier, le logiciel Kazaa ne permet pas de distinguer les fichiers d'oeuvres selon leur catégorie juridique ; que l'absence de vérification préalable, sur les bases de données des auteurs ou éditeurs, de la possibilité de disposer librement d'une oeuvre ne saurait caractériser une intention coupable ;
Attendu par ailleurs que les articles L. 311-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle, qui organisent la rémunération de la copie privée, visent l'ensemble des supports d'enregistrement ».
Cette décision fera l’objet d’un commentaire approfondi. Elle mérite une attention particulière dès lors qu’elle semble, a priori, remonter à contre-courant d’une jurisprudence faisant présumer la mauvaise foi des prévenus en matière de contrefaçon. Il n’est pas dit, cependant, que l’abandon de la présomption de mauvaise foi ne se justifie pas en l’espèce, c’est-à -dire dans le cadre de litiges opposant des producteurs à des particuliers.
Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net