La Cour de Cassation a rendu un arrêt en date du 28 février 2006 qui autorise les éditeurs à insérer un dispositif anti-copie "universel", interdisant la copie privée quel que soit le support de destination de la copie (cassette VHS, DVD, etc..). L'arrêt de la Cour d'appel du 22 avril 2005, avait condamné les sociétés Les Films Alain Sarde et Studio Canal ainsi que le distributeur (Universal) à verser 100 euros au consommateur et 1000 euros à l'UFC-Que Choisir pour violation des articles L.122-5 et L.211-3 du Code de la propriété intellectuelle. Les mesures techniques empêchant toute copie privée étaient jugées incompatibles avec l'exception de copie privée.
Cet arrêt a été cassé par la Haute juridiction devenue pour la cause, défenseur de l'industrie cinématographique dans l'environnement numérique. Ainsi, la Cour de cassation ne fait aucune distinction entre les différents types de copie possible et prive le public, en la vidant de sa substance, du bénéfice d’une exception au droit exclusif de l’auteur, pourtant introduite par la loi de 1957 dans le droit d'auteur moderne : celle de faire une copie d'une oeuvre pour son usage privé.
La Cour motive sa décision en indiquant : "en statuant ainsi, alors que l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, propre à faire écarter l'exception de copie privée s'apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d'auteur et de l'importance économique que l'exploitation de l'oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l'amortissement des coûts de production cinématographique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Alors que d'une part, la loi ne distingue pas entre les supports pour apprécier la mise en oeuvre de l'exception de copie privée, la Cour pouvait contourner l'argument suivant lequel la copie en cause, interdite, n'était en réalité pas numérique et aurait donc dû être autorisée ; mais alors que d'autre part, le risque économique, caractérisé par le passage d'un test en 3 étapes afin d'identifier une exploitation anormale de l'oeuvre qui porterait préjudice aux ayants droit, n'est pas démontré dans le cas d'une copie sur cassette VHS comme c'était le cas en l'espèce, il est en conséquence difficile d'apprécier le contour que la Cour de cassation fait justement, de l'usage privé, qui est le fondement de l'exception au monopole de l'auteur. L'argumentation de la Cour glisse vers une notion économique : l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, dans un environnement numérique, pour interdire toute copie y compris celle réservée à l'usage du copiste. Le juge a ainsi précisé l’application du test en trois étapes.
L'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle est pourtant clair : « Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) - 2º Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (...) ».
L'environnement numérique serait ainsi à même d'entraîner la suppression du droit à la copie privée... Il appartient désormais aux députés de trancher.
Le 14 mars prochain, l'Assemblée Nationale votera en première lecture le projet de loi sur les droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI). Compte tenu de l'urgence concernant le délai de transposition de la Directive du 22 mai 2001, le texte ne pourra faire l’objet que d’une seule lecture par les deux assemblées. En cas de désaccord, la commission mixte paritaire sera saisie. En espérant que le législateur ne va pas priver tout le monde de copie... privée.