Le rapport Gowers, publié le 6 décembre 2006, annonce une réforme du système de propriété intellectuelle anglaise afin de créer un environnement propice au développement économique. Andrew Gowers, ancien éditeur du Financial Times, était chargé par le Ministre des Finances, Chancellor Gordon Brown, d’examiner le système de propriété intellectuelle en place. Sa mission portait sur l’examen:
- de la manière dont le gouvernement administre la délivrance des droits de propriété intellectuelle et le soutien offert aux consommateurs et entreprises ;
- de la complexité et coûts des systèmes de brevets et de droits d’auteur, notamment les licences, actions en justice et la répression ;
- de l’adéquation du cadre juridique et technique de la propriété intellectuelle face à l’environnement numérique et l’adaptation des dispositions concernant « l’usage privé » par les citoyens.
Le rapport, long de 146 pages, conclut que le système anglais est, en l’état actuel, performant, mais qu’il peut être amélioré par une série de réformes offrant un meilleur environnement aux consommateurs et entreprises. Les recommandations portent sur trois points principaux :
- le renforcement de la répression notamment contre les contrefacteurs ;
- la réduction des coûts d’enregistrement des droits et des coûts d’action en justice ;
- l’amélioration de l’équilibre et de la flexibilité des droits afin de permettre une utilisation des contenus par les individus, entreprises et institutions mieux adaptée à l’environnement numérique.
De façon plus concrète, le rapport propose, pour renforcer la répression, de mettre en place un système de dommages et intérêts efficace et dissuasif pour les actions civiles. Au niveau pénal, le rapport recommande une mise en conformité des peines en matière de contrefaçon, que celle-ci s’effectue en ligne ou dans le monde réel. En effet, en Angleterre les peines de prison sont de deux ans pour une contrefaçon effectuée en ligne, alors qu’elles sont de dix ans pour le monde réel. Cette proposition permettrait d’harmoniser les peines. De plus, le rapport recommande de donner aux équipes de répressions administratives (Trading Standards) des pouvoirs supplémentaires pour procéder à la répression en cas de contrefaçon de droits d’auteur. A l’heure actuelle, les agents de la répression des fraudes ont des pouvoirs limités aux infractions concernant la contrefaçon des marques. Le Chancellor Gordon Brown a déjà annoncé dans son discours budgétaire que 5 millions de livres sterling supplémentaires seront attribuées afin de mettre cette recommandation en place. En tout état de cause, le rapport met en garde l’industrie des fournisseurs de services en ligne, lui demandant de développer des solutions durables pour la fin 2007 ou faire face à la création d’un cadre législatif.
En ce qui concerne les mesures de réduction des coûts, le rapport propose une meilleure information des entreprises en Angleterre et à l’étranger sur le système de propriété intellectuelle. Ceci consistera en une série de mesures, notamment rebaptiser le Patent Office chargé de l’enregistrement et de l’administration des droits, le bureau de la propriété intellectuelle (Intellectual Property Office). Une autre mesure consiste en la fourniture d’informations concernant la propriété intellectuelle lors de l’enregistrement d’une nouvelle société. Les recommandations du rapport ont été bien reçues par Ron Marchant en charge du Patent Office et le Gouvernement qui a annoncé, en réponse au rapport, la création d’un comité indépendant de veille stratégique qui se verra doté d’une enveloppe de 500 000 livres sterling. De plus, une consultation sur la mise en place d’un système d’action en justice accéléré est recommandée. Elle consisterait en la réduction des coûts par l’établissement d’une procédure à coût fixe, limitée dans le temps. Un passage par la médiation est également recommandé afin d’aboutir à une résolution des conflits plus efficace et moins coûteuse dans bien des cas. Par ailleurs, le rapport soutient la création d’un brevet communautaire qui permettrait de réduire les coûts d’enregistrement pour les aligner avec ceux pratiqués aux Etats-Unis.
Enfin sur la question de l’équilibre et de la flexibilité des droits d’auteur, le rapport propose la création d‘une exception pour les « travaux orphelins » afin d’en faciliter leur réutilisation par d’autres créateurs. Reconnaissant le rôle majeur le l’Union Européenne en matière de développement du droit de la propriété intellectuelle, le rapport explique que cette proposition devrait être faite à la Commission européenne. D’autre part, le rapport propose l’introduction d’une exception de copie privée limitée, permettant aux utilisateurs de copier les œuvres obtenues légalement sur des supports tiers (d’un CD à un MP3 par exemple). Une clarification de l’exception concernant la recherche devra également être réalisée afin de permettre une expansion du stock de connaissances. Enfin, le rapport suggère l’autorisation pour les bibliothèques de copier et préserver sur différents formats les œuvres qui peuvent se détériorer ou n’existent qu’en format démodé. Le rapport rejette également l’extension du droit d’auteur de 50 ans après la mort de l’auteur à 95 ans qui avait été suggéré par l’industrie du disque lors de la phase consultative du rapport, et propose que cette position soit communiquée à la Commission européenne. Cette recommandation a entraîné de sérieuses réactions de la part d’artistes connus qui ont lancé leur propre campagne publicitaire dans la presse.
Dr Christine Riefa
Lecturer, Brunel University (GB)
Membre du Comité éditorial, Juriscom.net