Johnny P., un utilisateur d’eBay France, a été reconnu coupable de tromperie, publicité mensongère et mise en vente de produit sous une marque contrefaite par le Tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 30 avril 2007 : Legalis.net).
Ce dernier l’a condamné à 6 mois de prison ferme, une amende délictuelle de 3000 € et le versement de 2435 € de dommages et intérêts à partager entre la victime de l’escroquerie et la société Hermès.
6 mois de prison ferme pour tromperie
Le prévenu était poursuivi pour avoir à Paris, courant janvier 2006, mis en vente sur le site internet "eBay" un sac "Birkin" décrit comme étant "100% original avec certificats et boite d’origine".
A l’origine de l’affaire, un particulier avait porté plainte contre Johnny P. qui lui avait présenté sur eBay et vendu à la victime une contrefaçon d'un sac Hermès.
Les magistrats ont estimé qu’il convenait de déclarer Johnny P. coupable pour les faits qualifiés de : tromperie sur la nature, la qualité, l’origine ou la quantité d’une marchandise, publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, vente, mise en vente de produit sous une marque contrefaite. Ils précisent qu’une peine d’emprisonnement ferme est requise « compte tenu de la gravité des faits, de ses antécédents judiciaires et de sa personnalité » (l’accusé était en fuite au moment du procès).
L’affaire démontre que les utilisateurs de plateformes d’enchères en ligne ont la possibilité d’agir directement contre l’auteur d’une activité illicite dont ils ont été la victime, et d’obtenir gain de cause devant les tribunaux. Il n’en demeure pas moins qu’ils restent confrontés à l’insolvabilité potentielle des délinquants. Aussi, dira-t-on qu’il vaut mieux pouvoir prévenir que guérir.
Cette situation relance la question des obligations qui incombent aux plateformes d’enchères en ligne.
Quid de la responsabilité des courtiers en ligne ?
La responsabilité d’eBay avait récemment été invoquée par un utilisateur victime d’une fraude dans une affaire jugée par le Tribunal d’instance de Rennes. Ce dernier avait conclu à une responsabilité résiduelle du courtier en ligne, eBay ayant satisfait à son obligation d’information sur les risques de fraudes en déconseillant à la victime de finaliser la transaction (X. Jorelle, « Quelle responsabilité pour les plateformes de commerce électronique 2.0 ? », Juriscom.net, 19/09/2007).
Mais certains titulaires de marques ne se satisfont pas d’une simple obligation d’information à la charge du prestataire et souhaiteraient qu’eBay soit responsable de plein droit des infractions commises à travers ses services.
La solution n’est-elle pas un peu trop radicale ?
Sur le plan juridique tout d’abord, le rôle d’intermédiaire qu’exerce la société eBay semble bien pouvoir le faire appartenir à la famille des hébergeurs, qui relève du régime instauré par les article 6.I.2 et suivants de la LCEN. Succinctement, ce régime exonère l’hébergeur de sa responsabilité civile et pénale lorsque celui-ci, ayant eu connaissance d’un fait ou d’une activité manifestement illicite commis sur son service, prend les mesures nécessaires pour l’interrompre.
Sur le plan économique, ensuite, l’application d’une responsabilité de plein droit irait à l’encontre du modèle économique instauré par eBay et pousserait ainsi le leader du commerce électronique – ainsi que ses semblables – vers la porte de sortie.
Tant la lutte contre la contrefaçon de marques et de produits que la sécurité juridique des intermédiaires et de leurs utilisateurs exige une solution d’équilibre, sans que cela ne nécessite une refonte du droit positif, tel qu’il a été instauré par la directive e-commerce du 8 juin 2000 (2000/31/CE).
De son côté, la société eBay n’a aucun intérêt à ce que des actes illites soient commis à travers ses services dès lors que ceux-ci nuisent tant à sa réputation qu’à ses affaires. C’est la raison pour laquelle la plateforme d’enchères en ligne applique aujourd’hui une politique proactive visant à réfréner les cas de fraudes sur ses services.
Le courtier en ligne répondrait ainsi à plus de 3000 réquisitions judiciaires tous les six mois en communiquant les informations nécessaires à l’appréhension des vendeurs d’articles contrefaits. Il a également mis en place un système permettant d’informer ses utilisateurs sur les risques de fraude et engage des poursuites contre les personnes qui ne respecteraient pas les règlements de la plateforme. Enfin, eBay a instauré un système de signalement sous chaque annonce permettant à chacun – victimes d’infraction, titulaires de marques ou simple utilisateur – de notifier toute annonce présentant un caractère contrevenant manifestement aux règlements eBay.
D'autres solutions seraient à l'étude chez le géant du e-commerce pour lutter contre la délinquance qui fait de ses utilisateurs des victimes potentielles. Elles mettraient en œuvre de nouveaux outils visant à favoriser la confiance des acheteurs, en coopération avec les ayants droit et les forces de l'ordre.
Ces « bons points » accumulés par eBay dans la lutte contre la fraude et la contrefaçon ne semblent cependant pas satisfaire tout le monde (C. Alix, « Pour l’oréal, eBay vaut bien un procès en contrefaçon », Libération.fr, 08/09/2007).
Depuis 1996, année où les premières actions en justice commençaient à pleuvoir contre les intermédiaires techniques, c'est le même film qui repasse. Les uns partisans du contrôle, les autres de la neutralité. La même histoire et les mêmes arguments, à quelques détails près, pour les hyperliens, les forums de discussion, les liens commerciaux et, aujourd’hui le courtage en ligne. Un peu comme si l’on avait oublié les longues discussions autour de la directive e-commerce (2000/31/CE) et celles de la LCEN (loi du 21 juin 2004). Comme si on avait oublié les subtilités qu’imposent la coexistence d’intérêts en apparence contradictoires sur internet. Comme si les équilibres n'éclataient jamais devant les solutions brutales.
Le cas d’eBay, à l’instar de celui des liens sponsorisés, nécessite peut-être des redéfinitions mais sans doute pas une révolution.
Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net