Parmi les nombreux articles de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services audiovisuels (LCE) [legifrance.gouv.fr], rares sont ceux qui concernent directement les biens ou les services proposés par voie de communications publique en ligne. Petite exception à cela, une disposition insère deux nouvelles dispositions au sein du Code de la consommation dans une section dédiée aux « contrats de services de communications électroniques ».
On entend par « services de communications électroniques », les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques. Ainsi, ne sont pas visés les services consistant à éditer ou à distribuer des services de communication au public par voie électronique. En pratique, cette définition vise aussi biens les cablo-opérateurs (non pris dans leur action de distribution de services audiovisuels) que les fournisseurs d’accès à l’internet.
Les deux nouveaux articles créés au sein du Code de la consommation (articles L. 121-83 et L. 121-84) opèrent un double encadrement de ces contrats d’accès à l’internet.
De nouvelles dispositions contractuelles
Tout d’abord et opérant la transposition de l’article 20 de la directive du 7 mars 2002 « service universel », l’article L. 121-83 impose aux prestataires de faire apparaître un certain nombre de mentions dans les contrats souscrits par le consommateur. Il s’agit 1°) de l’identité et de l’adresse du fournisseur, 2°) du détail des services offerts, de leur niveau de qualité et du délai nécessaire pour en assurer la prestation, 3°) du détail des tarifs pratiqués et les moyens par lesquels des informations actualisées sur l’ensemble des tarifs applicables peuvent être obtenus, 4°) des compensations et formules de remboursement applicables si le niveau de qualité prévu au contrat n’est pas atteint, 5°) de la durée du contrat, des conditions de renouvellement et d’interruption des services et du contrat et, enfin, 6°) des modes de règlement amiable des différends.
En particulier, un élément notable est à relever. En effet, et conformément au §2 de l’article 20 de la directive, les fournisseurs d’accès à l’internet sont tenus d’indiquer les coordonnées d’un service permettant un règlement amiable des litiges qui pourraient naître en cours d’exécution du contrat.
L’apport n’est pas neutre. En effet, les modes alternatifs de règlement des différents (qui font l’objet actuellement d’une intense réflexion aussi bien au niveau communautaire où un projet de directive est en cours d’élaboration, et au niveau national avec un analyse réalisée par le Conseil national de la consommation) ont comme point central de faire intervenir un tiers impartial, distinct des parties en conflit et dont l’objectif est de faciliter le dialogue entre celles-ci afin de faire « accoucher » une solution au différend. Cette intervention d’un tiers extérieur permet de différencier ce mécanisme de règlement alternatif des différends avec les outils de « médiation » institués par différentes entreprises et qui ne s’avèrent être, trop souvent, que des « services consommateurs améliorés » et donc perçus avec méfiance par ceux-ci.
La seule critique à émettre au sujet de ces nouvelles clauses est une absence de lisibilité. En effet, pour la notion de « modes alternatifs de règlement des différends », l’article 20§2 de la directive renvoyait à son article 34 qui fixe un certain nombre de critères que doivent recouvrir ces procédures. Elles doivent être « transparentes, simples et peu onéreuses » et puissent permettrent « un règlement équitable et rapide des litiges et peuvent, lorsque cela se justifie, adopter un système de remboursement et/ou de compensation ». Or, ces critères n’ont pas l’objet d’une reprise dans les dispositions finalement introduites dans le Code de la consommation.
Dès lors, on peut s’interroger sur la portée de cette disposition : exige-t-elle des fournisseurs d’accès la mise en place de « services clients améliorés » ou doit-on considérer que cela dépasse ce strict cadre et donc, exige-t-elle que les fournisseurs d’accès à l’internet introduisent dans leurs contrats de fourniture d’accès à l’internet une clause non contraignante prévoyant que leurs clients, en cas de différends, pourront saisir tel ou tel organisme de médiation, indépendant et impartial (comme ceux mis en œuvre par le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris ou le Forum des droits sur l’internet) ? La pratique nous le dira.
Un encadrement du régime des modifications contractuelles
La LCE crée également un nouvel article L. 121-84 au sein du Code de la consommation. Ce texte dispose que « tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d'un service de communications électroniques est communiqué par le prestataire au consommateur au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l'information selon laquelle ce dernier peut, tant qu'il n'a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l'entrée en vigueur de la modification ».
Une exception est prévue pour les contrats conclus à durée déterminée. Dès lors qu’ils ne comportent pas de clause déterminant précisément les hypothèses pouvant entraîner une modification contractuelle ou de clause portant sur la modification du prix, le consommateur pourra exiger l'application des conditions initiales jusqu'au terme de la durée contractuelle.
Enfin, le troisième alinéa opère un rappel de l’une des dispositions prévues à l’article L. 121-83 puisqu’il impose que toute « offre de fourniture d'un service de communications électroniques s'accompagne d'une information explicite sur les dispositions relatives aux modifications ultérieures des conditions contractuelles ».
Cette disposition transpose l’article 20§4 de la directive « service universel » selon lequel « dès lors qu'ils sont avertis d'un projet de modification des conditions contractuelles, les abonnés ont le droit de dénoncer leur contrat, sans pénalité. Les abonnés doivent être avertis en temps utile, au plus tard un mois avant ces modifications, et sont informés, au même moment, de leur droit de dénoncer ce contrat, sans pénalité, s'ils n'acceptent pas les nouvelles conditions. »
Le mécanisme institué par l’article L. 121-84 est triple.
Pour les contrats à durée indéterminée, le prestataire doit communiquer au consommateur, un mois avant son entrée en vigueur, le projet de modification contractuelle. Il devra également informer le consommateur de sa possibilité de résilier le contrat sans pénalité dans un délai de 3 mois et ceci tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions. Aucune acceptation explicite des modifications n’est exigée de la part du client.
Pour les contrats à durée déterminée ne comportant pas de clause de modification contractuelle, le consommateur peut exiger l’application des conditions initiales jusqu’au terme du contrat. Ceci constitue un respect strict des principes traditionnels contractuels du droit français.
Enfin, pour les contrats à durée déterminée comportant une clause déterminant précisément les hypothèses pouvant entraîner une modification contractuelle ou de clause portant sur la modification du prix, le régime applicable aux contrats à durée indéterminée s’applique.
Néanmoins, ce dispositif laisse planer un certain nombre de doutes. D’une part, concernant la communication de la modification contractuelle à l’abonné, le texte ne précise en aucune sorte le mode par lequel cette dernière s’opèrera. Sera-t-elle considérée comme exécutée dès lors qu’une simple annonce figure que la page d’accueil du site du fournisseur d’accès à l’internet ? Devra-t-elle être communiquée par courrier électronique, l’abonné ne consultant pas forcément l’email offert dans le cadre du contrat d’accès à l’internet ? Devra-t-elle s’opérer par voie postale ?
Dès lors que le texte cherche, de part sa codification au sein du Code de la consommation, à renforcer la protection du consommateur, il semblerait nécessaire de prévoir par voie réglementaire les modalités que pourront revêtir la communication de tout projet de modification des conditions contractuelles. A défaut, le consommateur pourrait se voir opposer un certain nombre de modifications dont il n’aurait pas pu prendre effectivement connaissance, celles-ci lui ayant été communiquées que dans des pages secondaires du site de son fournisseur d’accès à l’internet ou par un simple SMS.
Par ailleurs, concernant le régime applicable aux contrats conclus pour une durée indéterminée ou, conclus pour une durée déterminée et intégrant une clause de modification contractuelle, il semble évident que cette disposition ne permette pas de garantir une parfaite protection du consommateur.
En effet, comme l’avait précisé la Commission des clauses abusives dans sa recommandation n° 03-01, « la possibilité contractuellement donnée au professionnel de modifier unilatéralement, hors les hypothèses prévues par l’article R. 132-2 alinéa 2 du Code de la consommation, même avec une faculté de résiliation pour le consommateur, un contrat en cours, sans l’accord explicite de son cocontractant, alors que le client, qui a pris un abonnement payant, peut légitimement compter sur l’exécution de l’intégralité du service qui lui a été initialement promis, engendre un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ». Ce mécanisme pointé du doigt par la Commission des clauses abusives est aujourd’hui intégré législativement dans le Code de la consommation.
Les parlementaires justifiaient l’abandon de l’exigence d’un accord explicite par le risque, pour le consommateur, d’être privé d’un contrat suite à sa négligence (oubli d’acceptation d’une modification). Or, cette perspective doit être nuancée. En effet, s’agissant d’un contrat à durée indéterminée, l’absence d’acceptation des modifications n’est pas susceptible, sauf disposition contraire, d’être constitutive d’une cause permettant au prestataire d’imposer une résiliation unilatérale du contrat. De même, en matière de contrat à durée déterminée, dès lors que l’abonné ne consent pas à la modification contractuelle, les parties demeurent tenues de poursuivre l’exécution du contrat jusqu’à son terme.
Par ailleurs, des difficultés d’application pourraient poindre. En effet, dans le cas d’un contrat conclu à durée déterminée et comportant une clause de modification unilatérale, il est prévu qu’en cas de modification, le consommateur aura la possibilité – à défaut d’acceptation – de résilier le contrat dans un délai de trois mois après cette communication.
Or, prenons le cas d’un contrat d’accès à l’internet conclu le 1er janvier 2003 pour une période de 12 mois, tacitement reconductible. Le 1er décembre 2003, le fournisseur d’accès à l’internet notifie au consommateur une augmentation tarifaire de 50% à compter du 1er janvier 2004. Est-ce à dire que le consommateur pourra résilier unilatéralement son contrat jusqu’au 30 avril 2004, quand bien même celui-ci a été reconduit tacitement jusqu’au 31 décembre 2004 ? Dans l’affirmative, cela constituerait l’une des premières causes de résiliation unilatérale d’un contrat à durée déterminée.
L’intégration de cette « légalisation » d’une clause abusive au sein du Code de la consommation peut paraître choquante. Néanmoins, en matière de contrats d’accès à l’internet, son impact pourrait être limité dès lors que les principales modifications contractuelles intervenant à l’heure actuelle concernent principalement une baisse des tarifs.
Néanmoins, à terme, si l’idée d’un système de compensation financière au préjudice né de l’échange de fichiers musicaux et cinématographiques est mis en œuvre par le prélèvement d’une redevance sur tout abonnement d’accès à l’internet, de nombreuses modifications contractuelles pourraient intervenir (taxation de l’upload, du download, etc...) et la protection du consommateur pourrait ne plus être entièrement assurée.
Enfin, gageons qu’un autre texte pourra atténuer le déséquilibre ainsi créé. En effet, une proposition tendant à renforcer la protection du consommateur pourrait avoir un impact sur les contrats d’accès à l’internet. Ce texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 11 décembre 2003 et par le Sénat, avec modifications, le 22 juin 2004, insère un nouvel article L. 136-1 au sein du Code de la consommation.
Selon ce texte, le prestataire de service est tenu d’informer « le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite ». Si cette information ne lui a pas été adressée, le consommateur pourra mettre un terme au contrat à tout moment.
Cette nouvelle disposition doit encore être examinée en seconde lecture par l’Assemblée nationale. Elle figure à ce titre à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement, mais son examen pourrait être reporté en raison du travail entrepris sur le projet de loi « assurance maladie ».
Benoît Tabaka
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net