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Rubrique : internautes / Branche : droit des obligations ; preuve ; responsabilité / Domaine : commerce électronique BtoC
Citation : Xavier Jorelle , Quelle responsabilité pour les plateformes de commerce électronique 2.0 ? , Juriscom.net, 19/09/2007
 
 
Quelle responsabilité pour les plateformes de commerce électronique 2.0 ?

Xavier Jorelle

édité sur le site Juriscom.net le 19/09/2007
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Le leader des plateformes de commerce électronique entre particuliers (C2C) eBay a été condamné au printemps dernier par le Tribunal d'Instance de Rennes (TI Rennes, 26 mars 2007, Stéphane L c/ eBay France, eBay AG - Juriscom.net) pour inexécution (ou du moins pour le défaut d'avoir rapporté la preuve de sa bonne exécution) de son obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l’égard des souscripteurs.

 

Ce jugement pose la question de la responsabilité de telles plateformes relativement aux fraudes qui ont lieu entre leurs utilisateurs. Ne servant que de relais entre ces contractants, elles n'ont à leur charge qu'une obligation d'information sur ces risques et ne sauraient être tenues responsables des escroqueries dans les transactions entre leurs adhérents.

 

Dans cette affaire, un internaute étranger avait mis en vente un jet-ski sur le site ebay.fr. La rutilante moto marine a rapidement retenu toute l'attention d'un internaute français. Avant de se lancer dans l'acquisition de l'objet de sa convoitise, ce dernier voulait tout de même s'informer auprès d'eBay sur la fiabilité de son futur cocontractant. La société eBay lui a déconseillé de finaliser la transaction 12 heures avant la fin de l'enchère. Malgré une annonce pouvant amener le doute quant au sérieux et à la fiabilité de son auteur, et sans attendre l'avis de la société eBay, l'acheteur céda à la tentation et décida d'en effectuer le paiement deux jours avant la fin de l'adjudication litigieuse. Le jet-ski ne fût jamais livré. A la décharge de l'acheteur, il est vrai que dans l'intervalle, le vendeur, en usurpant l'identité d'eBay par la reprise de ses logos dans le corps de sa propre correspondance électronique, avait assuré à notre acheteur que le paiement demeurerait bloqué jusqu'à livraison du véhicule de loisirs. L'acheteur a introduit un recours contre la plateforme eBay.

 

Le demandeur a vainement tenté de faire jouer la théorie du mandat apparent, se basant sur les courriers électroniques provenant du vendeur et comportant frauduleusement les logos d'eBay. Ces messages indiquaient que si la transaction n'aboutissait pas, la somme versée lui serait restituée. L'argument a été rejeté par les juges, au motif que la théorie était en l'espèce inapplicable du fait de l'absence de mandataire apparent. Il est vrai que l'accueil d'un tel chef de demande pourrait ouvrir la voie à une responsabilisation dangereuse et quasi-automatique des plateformes de commerce électronique en cas d'escroquerie entre les utilisateurs.

 

C'est bien uniquement relativement à l'exécution de son obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l’égard des utilisateurs que la société eBay s'est retrouvée condamnée. La défenderesse n'a pas pu prouver qu'au moment des faits, elle fournissait aux souscripteurs une information complète et suffisante, et donc "bien de nature à prévenir le préjudice subi". Cette information consiste généralement en un avertissement présent sur une page web qui comporte une case à cocher assurant de sa lecture par l'utilisateur lors de la phase d'enregistrement. Les documents versés aux débats étaient en effet postérieurs aux faits. Toutefois eBay a fait preuve de diligence en conseillant à l'acheteur de ne pas finaliser la transaction, élément permettant de ne retenir à sa charge qu'une responsabilité résiduelle. Ce raisonnement opéré par les juges tend à prouver qu'un défaut d'obligation d'information préalable peut être atténué mais jamais substitué par une diligence ultérieure.

Au demeurant, doit-on aller plus loin dans la responsabilisation des plateformes de commerce électronique entre particuliers? Ne se limitant plus à la seule obligation d'information quant à la sécurité des transactions, devrait-on leur imposer une nouvelle obligation (de moyens) préalable de s'assurer de l'identité et du sérieux du souscripteur lors de la phase d'enregistrement, ainsi que d'effectuer un suivi du bon achèvement de chaque opération de celui-ci? Cette hypothétique obligation pourrait-elle alors devenir le corollaire d'un "droit de police" encore embryonnaire et pouvant se définir comme "la possibilité pour une plate-forme de commerce électronique de suspendre un compte d'un de ses utilisateurs dès lors que cette coupure se justifie par le comportement dudit utilisateur" (v. Benoît Tabaka, "Une plateforme de commerce électronique peut-elle couper le compte d'un utilisateur?", Juriscom.net, 13 juin 2007) ? Il faudra mettre en balance les intérêts en jeu, car il est nécessaire de veiller à ne pas entraver l'épanouissement du commerce électronique 2.0 en l'enfermant dans un carcan de règles juridiques trop contraignantes, tout en lui apportant les bénéfices d'une sécurisation juridique. La souplesse et la simplicité du commerce électronique C2C sont en effet deux ingrédients importants de la recette de son succès. Ce n'est toutefois que sécurisé qu'il pourra atteindre son potentiel optimal…

Xavier Jorelle

 

 


 

 

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