TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
Ordonnance de référé, le 23 juin 2008
Monsieur J. F. c/ SAS JFG Networks
Mots clé : propos à caractère diffamatoires - blog - responsabilité de l'hébergeur (non) - conservation des données de nature à permettre l'identification de l'éditeur (oui) - loi du 29 juillet 1881 - prescription (oui) - liberté d'expression - demande de suppression fondée sur la loi du 6 janvier 1978 - requalification - obligation de supprimer le contenu en cause (non)
Extraits :
« Sur les manquements allégués du prestataire :
Attendu que pour justifier avoir dirigé la demande à l’encontre du seul prestataire d’hébergement, M. F. invoque le fait que la société JFG NETWORKS s’est trouvée défaillante dans son obligation prévue à l’article 6 II de la loi du 21 juin 2004 de détenir et conserver les données de nature à permettre l’identification de l’éditeur du contenu publié sur le blog accessible à la page […] ; qu’il aurait commis ainsi une négligence au sens de l’article 1383 du code civil ;
Mais attendu que suivant la disposition en question un prestataire d’hébergement a pour obligation de detenir et conserver le données de nature à permettre l’identification en question ; qu’il est constant que la société JFG NETWORKS a transmis par courrier du 23 avril 2008 l’adresse électronique fournie lors de l’inscription par l’administrateur du blog, ainsi que l’adresse Internet Protocol (IP) utilisée par lui ; qu’il n’est pas prétendu que cet intermédiaire technique a pu fournir d’autres prestations que l’hébergement assuré ; qu’il ne peut en conséquence lui être fait grief de n’avoir pas rempli ses obligations légales ;
Attendu en effet qu’au moyen des données transmises le demandeur avait parfaitement, par tel moyen disponible en ligne comme celui indiqué par la société défenderesse, la possibilité d’identifier le fournisseur d’accès à l’internet ayant attribué l’adresse Internet Protocol, et d’obtenir auprès de cet intermédiaire technique les coordonnées de l’éditeur abonné à ses services qu’il ne peut dès lors imputer à la société JFG NETWORKS le trouble résultant de l’impossibiité prétendue, mais non démontrée, d’agir directement contre l’éditeur des propos dont il se plaint ;
Sur la demande tendant à la suppression de l’article :
(...) Que celui-ci, pour obtenir la suppression de l’article en totalité, entend se placer sur le terrain de la protection des données à caractère personnel assurée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, et en particulier de l’article 38 de cette loi, suivant lequel toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ;
Mais attendu qu’il convient, en application de l’article 12 § 2 du code de procédure civile, de restituer aux faits leur exacte qualification ;
Que le constat établi le 31 mars 2008 ne décrit nullement l’architecture du site, faisant seulement ressortir, à la suite de la requête correspondant à la page du site indiquée plus haut, un ensemble d’articles les uns à la suite des autres datés de janvier 2006 ; que les modalités du traitement allégué des données à caractère personnel, qu’il soit automatisé ou qu’il conduise à l’insertion de ces données dans un fichier, ne sont nullement décrites ; que le constat ne fait pas apparaître, en particulier dans les menus figurant sur les pages reproduites, de reférence explicite au demandeur ou à tous éléments permettant de l’identifier ;
Qu’au surplus, aucun élément n’est avancé, au sujet de l’obligation alléguée de déclarer préalablement le traitement de données à caractère personnel, ni pour justifier que le traitement serait intervenu dans le cadre d’une activité politique, et non exclusivement personnelle, ni dans la première hypothèse à l’appui du défaut allegué de déclaration ;
Que le demandeur sollicite la suppression de l’article, non pas auprès du responsable du traitement, mais auprès du seul prestataire d’hébergement à la suite du message en date du 2 avril 2008 ;
Attendu en fait qu’aux termes du courriel adressé le 26 mars 2008 à l’adresse indiquée de l’éditeur, le demandeur, extrayant de l’article en cause les termes ou appréciations “mort-vivant”, “monnayage des services”, “clientélisme” notamment relevés dans l’assignation, soutenait que ces propos portaient gravement atteinte à sa considération ; que de même, lors de la notification faite le 2 avril 2008 au prestataire d’hébergement en application de l’article 615 de la loi du 21 juin 2004, tout en évoquant les dispositions de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, il avançait la qualification d’injure et diffamation, et visait les dispositions des articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu’enfin, dans le cadre de l’acte introduisant l’instance, pour convaincre du caractère légitime des motifs pour lesquels M. F. (...) considère que les qualificatifs utilisés ou les assertions avancées à son endroit : (…) sont de nature à nuire à sa carrière, sa probité et à sa réputation ;
Que les abus allégués dans l’exercice par l’éditeur de ce blog de la liberté de s’exprimer sont par conséquent susceptibles d’être qualifiés suivant les dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relatives à la diffamation et à l’injure ;
Que la demande telle qu’elle est formée et orientée conduit à éluder les dispositions protectrices de la liberté d’expression de la loi du 29 juillet 1881, en particulier en son article 29, et de la loi du 29 juillet 1982 en son article 93-3 ; que les abus susceptibles d’être qualifiés suivant les dispositions de l’article 29 en question ne peuvent en effet être réparés, en référé en particulier par toute mesure y mettant fin, en prenant dans le cas présent pour fondement les dispositions invoquées de la loi du 6 janvier 1978 sans s’être adressé à l’éditeur du site et responsable du traitement, tout en faisant valoir que le prestataire d’hébergement aurait engagé suivant le droit commun sa responsabilité ;
Que l’intérêt indiscutable pour le demandeur, personnalité publique, de mettre fin aux propos litigieux ne saurait justifier d’écarter en l’espèce les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 prévoyant les limites de la liberté d’expression, à valeur constitutionnelle, et les strictes conditions, en particulier en ses articles 53 et 65, permettant de sanctionner et mettre fin à ses abus ;
Qu’il ne peut dès lors être demandé à la société JFG NETWORKS, simple intermédiaire technique, pour mettre fin au trouble tel que qualifié, de supprimer le contenu en cause, ou d’empêcher qu’il y soit donné accès ;
qu’il ne peut davantage être fait état d’une obligation d’indemniser le demandeur du préjudice subi qui ne soit sérieusement contestable au sens des dispositions de l’article 809 § 2 du code de procédure civile ; Que par conséquent il n’y a lieu à référé ; (...) »
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