TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
3ème chambre - 2ème section, le 14 novembre 2008
J.Y. Lafesse et A. c/ Sté Youtube, Sté Canal+ et Sté Studiocanal
Mots clés : hébergeur - responsabilité - droit d'auteur - notification - retrait - identification des internautes
Extrait :
"(...) Il n’est pas discutable, tel que vu précédemment, que les deux mises en demeure adressées à l’hébergeur les 21 décembre 2Q06 et 22 janvier 2007 ne répondaient pas à l’exigence de précision posée par la loi en ce qu’elles ne comportaient pas mention des adresses URL ni ne permettaient d’identifier les oeuvres protégées. L’assignation du 31 janvier 2007 ne répondait pas davantage aux exigences légales. (...)
L’examen de ces pièces révèle que les oeuvres figurant dans le tableau suivant ont continué à être diffusées par l’hébergeur YOUTUBE postérieurement à sa connaissance des actes illicites, les séquences dénoncées mais non rattachées à une oeuvre déterminée ayant été écartées comme ne satisfaisant pas à l’exigence de précision suffisante (...)
Il résulte de l’analyse de ce tableau que la société YOUTUBE n’a pas promptement retiré l’ensemble des oeuvres en cause, puisqu’en dépit de sa connaissance des adresses URL contenues dans les procès-verbaux de constat, parmi les quatorze séquences concernées, deux figuraient encore sur le site après quelques quatre mois, dix autres à l’issue d’une vingtaine de jours. A toutes fins, il sera observé que les trois procès-verbaux de constat produits en défense, établis les 25 février 2008, 18 juin 2008 et 4 septembre2008, sont postérieurs aux diffusions ci-dessus incriminées.
- sur l’identification des internautes
Les demandeurs soutiennent que la sociétè YOUTUBE a également engagé sa responsabilité en sa qualité d’hébergeur, en ne mettant en oeuvre aucun moyen destiné à permettre l’identification des tiers à l’origine de la mise en ligne de contenus, Ils font ainsi valoir que dans une ordonnance du 8 juillet 2008, il avait été constaté que la société YOUTUBE n’avait collecté que les adresses lP des internautes éditeurs et qu’elle ne pouvait transmettre leurs nom, prénoms et adresse.
La société YOUTUBE fait valoir que les données par elle collectées, à savoir le nom de l’utilisateur, son adresse e-mail et son adresse lP, suffisent en l’état à satisfaire à ses obligations d’hébergeur, en l’absence de définition légale ou réglementaire des données en cause.
Ceci étant, aux termes de l’article 6-III-1° dela LCEN, les personnes physiques dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone.
Aux termes de l’article 6-Il alinéa 1er de la même loi, les fournisseurs d’accès et les hébergeurs détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création des contenus des services dont elles sont prestataires. Ils fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au III. L’autorité Judiciaire peut requérir communication auprès de ces prestataires des données mentionnées au premier alinéa.
Il en résulte donc que la société YOUTUBE, à tout le moins dans l’attente du décret d’application non encore paru, devait collecter les données de nature à permettre l’identification des internautes éditeurs sur son site, telles qu’expressément et clairement définies par la loi, à savoir, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone.
En s’abstenant de recueillir ces éléments, elle a failli à ses obligations d’hébergeur. Il convient d’observer à toutes fins que les demandeurs n’ont pas formé de prétentions distinctes de ce chef (...)."
Minute de la décision au format PDF ci-dessous