TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
17ème chambre - chambre de la presse, 11 février 2003
M. Timothy K. et Yahoo Inc. c/ Amicale des dép. d'Ausch. et des camps de H. Silésie et MRAP
Mots clés : apologie de crime ou délit par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel - port ou exhibition d'uniforme, d'insigne ou d'emblème d'une personne coupable de crime contre l'humanité - application de la loi du 1er août 2000 (oui) - responsabilité du prestataire (non)
Extraits :
"(...) Sur la qualité de fournisseur d'hébergement de la société YAHOO INC
Les parties civiles ont contesté, à l'audience, que la société civilement responsable assurerait, au sens du texte susvisé, "à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles" par les "services de communication en ligne autres que de correspondance privée". (...)
Les rôles de YAHOO INC à l'égard de ce service [auctions.vahoo.com]
Il se déduit de ce qui précède que la société YAHOO INC assume au moins deux rôles différents dans la gestion du service litigieux, puisqu'elle agit à la fois en qualité d'éditeur et comme fournisseur d'hébergement.
Editeur de ce service de communication en ligne, elle en a créé l'architecture, les règles de fonctionnement et les nomenclatures ; elle est également, à ce titre, responsable des sélections d'annonces ou de catégories qu'elle offre plus particulièrement à l'attention des acheteurs sur la page d'accueil du site.
Fournisseur d'hébergement, elle stocke, pour leur mise à disposition du public, les annonces rédigées par les vendeurs d'objets et justifie, d'ailleurs, de ce qu'elle conserve et détient les données de nature à permettre l'identification de ces créateurs de contenu, conformément aux dispositions, évoquées ci-dessus, de l'article 43-9 de la loi du 30 septembre 1986.
Les dispositions de l'article 43-8 de ce même texte ne sont pas susceptibles d'être invoquées par le prévenu si sa responsabilité est recherchée au titre de l'activité d'éditeur de service de communication en ligne de la société YAHOO INC, ce qui est le cas, en l'espèce, la citation visant, notamment, le fait d'avoir "délibérément maintenu une rubrique préalablement fixée de vente aux enchères d'objets nazis", ce qui renvoie, sans aucun doute, à l'architecture du site, soit à un contenu créé par l'éditeur.
Ces faits seront examinés ci-dessous, les dispositions précitées n'étant pas susceptibles d'interdire l'exercice de l'action publique et de l'action civile les concernant.
La citation vise, également, le contenu des annonces accessibles par l'utilisation du mot clé "nazi"dans la fonction recherche offerte par le site, à l'égard desquelles la société YAHOO INC agit en qualité de fournisseur d'hébergement. A ce titre, les dispositions du texte susvisé sont susceptibles de recevoir application. Il convient donc de rechercher si cette société a été saisie par l'autorité judiciaire et, dans l'affirmative, si elle a agi promptement.
La société YAHOO INC a-t-elle été saisie par l'autorité judiciaire ?
(...) Il résulte de ce qui précède que, compte-tenu de l'existence de contestations portant sur les difficultés techniques rencontrées pour aboutir à l'objectif recherché, le juge des référés a entendu, jusqu'à sa décision du 20 novembre, se réserver le contrôle des actions à engager par YAHOO INC, dont il a souhaité qu'elles puissent être définies contradictoirement et avec la réflexion qu'imposaient ces difficultés.
Cette société n'était pas en mesure, avant cette dernière date, et aux termes mêmes des décisions précédentes, de mettre effectivement en oeuvre une solution. Il doit donc être considéré que c'est l'ordonnance du 20 novembre 2000, et elle seulement, qui l'a saisie, au sens de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986.
Une fois saisie, a-t-elle agi promptement ?
(...) Compte-tenu de la difficulté de mise au point d'une solution dont il n'est pas contesté qu'elle est plus satisfaisante que celle initialement envisagée par le juge des référés, dès lors que, mieux qu'un avertissement aux seuls internautes français, a été mis en place un barrage ab initio, fonctionnant donc dans le monde entier, et du fait qu'il s'est écoulé moins de deux mois entre l'ordonnance la saisissant et l'entrée en vigueur du nouveau système, le tribunal estime que la société YAHOO INC a agi avec la promptitude requise.
Dans ces conditions, il y a lieu de dire que, du fait du contenu des annonces d'objets à vendre décrites dans le constat d'huissier, figurant sur le service de communication en ligne auctions.vahoo.com, à l'égard desquelles la société YAHOO INC assumait le rôle de fournisseur d'hébergement, la responsabilité pénale de Timothy K, comme la responsabilité civile de la société YAHOO INC ne peuvent être recherchées.
Ces parties seront mises hors de cause de ce chef et les demandes des parties civiles rejetées. (...)"
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