TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VANNES
Correctionnel, le 29 avril 2004
Ministère public, FNDF, SEV, Twenthieth Century Fox Home Entertainment France, Buena Vista Home Entertainment, Gaumont Columbia Tristar Home Video, Disney Enterprises Inc., Dreamworks, Paramount Pictures Corp., Warner Bros, Universal City Studios LLP, SACEM, SDRM et al. c/ Messieurs C.L., M.L., G.L., D.L., R.L. et S.S.
Mots clés : CD - contrefaçon (oui) - communication - divx - droit d'auteur - droits voisins - kazaa - mp3 - phonogramme - recel - représentation (oui) - reproduction (oui) - téléchargement - videogramme
Extraits :
"1° - SUR L'ACTION PUBLIQUE
Lors de son audition du 10 mars 2003, C L C, retraité, a reconnu être le titulaire de l'adresse ... et s'être inscrit sur le site "www.echange-cd...", dont le serveur est la société "FREE" ; il pratiquait l'échange sur Internet de films au format Divx, de particulier à particulier sans en faire le commerce. Il explique qu'il partait du serveur Kazaa pour accéder aux ordinateurs d'autres particuliers et mettre à la disposition ses propres Divx. Les données de son disque dur étaient offertes directement et librement à tous les internautes du Monde.
La perquisition opérée le même jour à son domicile a permis la saisie de 198 CD-Roms copiés par téléchargement sur internet ; les investigations complémentaires effectuées par les enquêteurs ont en outre permis de découvrir que C L C avait installé des logiciels de lecture de films au format Divx ainsi que des programmes de "recherche sur internet de fichiers MP3, logiciels piratés etc...". Les gendarmes ont par ailleurs constaté qu'à leur arrivée au domicile du prévenu, l'ordinateur de ce dernier était en fonction, et "téléchargeait des films au format Divx par l'intermédiaire du logiciel Kazaa".
Lors de son audition du 25 novembre 2002, M L M, ingénieur, a reconnu s'être inscrit sur le site d'échanges "www.echange-cd..." qu'il définit lui-même comme consistant "à mettre à la disposition des films au format Divx et d'en échanger". Il a admis à l'audience s'être régulièrement livré à des échanges et ce gratuitement pour constituer "une collection personnelle" ;
La perquisition réalisée le même jour à son domicile a permis aux enquêteurs de découvrir et saisir une unité centrale, comprenant notamment de nombreuses installations de logiciels de gravure permettant la lecture de fichiers Divx, le téléchargement d'oeuvres musicales au format MP3, la réalisation de pochettes de CD etr DVD et 434 CD-ROMS copiés illégalement des logiciels et jeux pour PC et Playstation, 380 CD-ROMS au format Divx et 13 CD au format MP3 ;
G. L. qui exerçait l'activité d'"animateur du club informatique de la commune de QUESTEMBERT" a reconnu lors de ses deux auditions du 9 décembre 2002, que les premiers Divx lui avaient été donnés par des copains puisqu'il avait fait de l'échange pour en avoir d'autres et ce à l'espace cybercommune de QUESTEMBERT exclusivement. Il reconnaît s'être inscrit sur le site "www.echange-cd..." (en précisant qu'auparavant il était également sur le site d'échange "trocenter...") au mois de janvier 2002, en expliquant qu'il disposait une liste de Divx à la disposition des internautes, pour échanger seulement : "j'envoyais les CD-Roms par la Poste, je payais 1e transport, cela marche à la confiance et j'en recevais en échange. J'ai ainsi dû avoir entre 30 et 40 CD-Roms sur environ 3 mois".
La perquisition a permis de saisir 306 CD-Roms de films et logiciels au sujet desquels le prévenu a précisé : "tous les CD-roms saisis sont copiés. II y a du format Divx principalement des jeux et quelques logiciels ainsi que du MP3". L'analyse des ordinateurs utilisés par G L a permis de constater qu'il détenait des logiciels de lecture de fichiers musicaux au format MP3.
Entendu le 9 décembre 2002, D L M, titulaire d'un emploi jeune à la Mairie de QUESTEMBERT s'étant vu confier la responsabilité de l'espace cybercommune de la commune de QUESTEMBERT, a déclaré avoir fourni des films au format Divx à G L qu'il avait obtenu gratuitement d"'amis de la région parisienne". "J'ai fourni des Divx de films de mangas à G gratuitement. Il me donnait des CD Roms vierges et je les lui copiais. J'en ai fait de même avec quelques amis". La perquisition à son domicile a permis la saisie de 141 CD-Roms copiés divers.
Entendu le 11 mars 2003, R L G , exerçant la profession d"'Administrateur de réseau", a déclaré s'être inscrit sur le site "www.echange-cd..." pour faire uniquement de l'échange de films au format Divx. A l'audience, il a expliqué qu'il ne disposait pas du Haut-Débit et pratiquait des échanges par voie postale "J'expédiais deux CD-Roms et en échange j'en recevais également deux. J'ai dû faire cela une vingtaine de fois i1 y a environ 2 ans". Il a reconnu que les 85 films au format Divx sur 106 films copiés et saisis lors de la perquisition à son domicile correspondaient à la liste qu'il avait diffusée sur Internet.
Enfin, S S cariste, entendu le 19 mars 2003, a également reconnu s'être inscrit sur le site "www.echange-cd..." dans le but de réaliser notamment des échanges de films au format Divx par voie postale puisqu'il ne bénéficiait pas du Haut Débit. Il reconnaît avoir procédé à une quarantaine ou cinquantaine d'envois postaux de films, jeux et logiciels, il y a quelques mois. 190 CD-Roms copiés illégalement ont été saisis à son domicile, outre des répertoires contenant des fichiers expliquant comment "cracker" des logiciels, des listes de CD-Roms, ainsi que des jacquettes de films.
L'enquête des militaires de la Gendarmerie a permis d'établir de façon incontestable la matérialité des faits de contrefaçon et de recel reprochés aux prévenus. Ils les ont d'ailleurs tous reconnus dans leurs auditions respectives pari le service enquêteur comme à l'audience.
Les investigations de la Brigade de Recherches Départementale de VANNES, et notamment l'analyse des comptes bancaires des internautes, ont permis de confirmer qu'aucun d'entre eux n'avait tiré de bénéfice de leur activité illégale d'internaute. L'élément légal des infractions n'en est pas affecté, notamment le caractère gratuit des échanges ne fait pas obstacle à l'application de l'article L 335-2 du Code de la Propriété Industrielle. Il en sera tenu compte seulement pour la fixation des peines des prévenus.
L'évolution des techniques informatiques, notamment le développement du Haut Débit, qui permet de réduire les temps de téléchargement et d'augmenter les possibilités de stockage, s'accompagne du développement des téléchargements illicites sur INTERNET et de la mise à la disposition des internautes du monde entier d'oeuvres de l'esprit en violation des droits d'auteur.
Les prévenus y ont procédé, soit par l'accès à un site d"'échange", pas illégal en lui-même, en diffusant des listes de CD-Roms à échanger et en effectuant ces échanges, directement ou par voie postale, soit, comme C L C , en mettant directement leur propre stock de contrefaçon d'oeuvres audio-visuelles détenues sur disque dur à la disposition libre d'autres internautes, grâce à un logiciel de partage de fichiers KAZAA.
Les professionnels, parties civiles, soulignent l'importance de leurs préjudices directs et craignent à terme des difficultés économiques pour leurs secteurs d'activité et une diminution des productions de l'esprit. En l'état de la législation actuelle, le téléchargement et la diffusion d'une oeuvre de l'esprit à partir d'un site Internet suppose l'exercice d'une part du droit de reproduction, d'autre part en aval du droit de représentation et les internautes doivent en tenir compte
L'élément intentionnel est présumé dans le délit de contrefaçon. La seule exploitation d'une oeuvre sans l'autorisation de l'auteur et en méconnaissance de ses droits implique qu'un tel acte a été accompli sciemment, sauf preuve contraire. Au surplus, les prévenus ne contestent pas à l'audience qu'ils savaient leur activité illégale; ils expliquent simplement que ces infractions leur paraissaient bénignes, dans la mesure où ils n'en tiraient aucun profit financier et qu'ils se constituaient une collection à des fins personnelles.
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et des débats les faits sont établis à l'encontre de LCC, MLM, GL, DLM, RLG, et SS ;
Attendu que LCC, GL, DLM, RLG et SS n'ont pas été condamnés au cours des cinq dernières années précédent les faits pour crime ou délits de droit commun, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement ; qu'ils peuvent bénéficier du sursis dans les conditions prévues aux articles 132-29 à 132-39 du Code pénal, 734 à 736 du Code de procédure pénal ;
Attendu qu'il convient d'accorder le sursis avec mise à l'épreuve à Monsieur LMM ; (...)"
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