Contenu de la loi
La nouvelle loi entend apporter certaines modifications à la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la communication audiovisuelle et ajoute un certain nombre de définitions. Une nouvelle catégorie de communications est ajoutée : la « communication au public par voie électronique ».
L’article 1er de la loi instaure la liberté de communiquer au public par voie électronique. Il s’agit toutefois d’une liberté surveillée, relative et limitée notamment par « le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ».
Il est important de noter que les services de communication publique en ligne ne sont justement pas soumis aux contraintes techniques inhérentes à la rareté des canaux de diffusion, comme la radio et la télévision. Les limitations insérées par le texte apparaissent donc sans nécessité, sans compter les incertitudes générées par les limitations dues aux « besoins de la défense nationale » ou « par les exigences de service public ».
Remarquons que le législateur a défini une nouvelle catégorie englobante, celle de "services de communication au public par voie électronique", qui se subdivise en deux sous-catégories :
1.- les services de communication audiovisuelle (qui sont donc intégrés dans la catégorie générale de "service de communication au public par voie électronique, les spécialistes ayant considéré que l'impulsion électromagnétique générée par une transmission par voie hertzienne relève de l'"électronique" !) ;
2.- les service de communication au public en ligne.
Les définitions adoptées par l’assemblée nationale sont obscures, scindant la communication audiovisuelle suivant la nature des contenus (télévision ou services multimédia des sites internet par exemple) ainsi que suivant les moyens d’émission. L’article 1 indique que la communication audiovisuelle est « toute communication au public de services de radio et de télévision » ainsi que « toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’économie numérique ». Voilà qui est dit ! Le texte fait ainsi définitivement sortir le réseau Internet des services de communication audiovisuelle tels que définis par la loi du 30 septembre 1986 (n°86-1067 relative à la communication audiovisuelle) dans son ancienne version.
Christian Paul, député de la Nièvre et auteur du rapport « Du droit et des libertés sur l'internet, La corégulation, contribution française pour une régulation mondiale » remis au Premier ministre par le 29 juin 2000, a émis de vives réserves sur les définitions de la loi, estimant qu’elles n’étaient pas opérationnelles (source : Rapport de la commission mixte paritaire de l’assemblée nationale [assemblee-nationale.fr]).
Malgré tout, ce texte est le premier à définir les services en ligne ou encore le commerce électronique. L’article 1 dispose qu’ « on entend par communication au public par voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère de correspondance privée ».
Ce même article insère une définition du courrier électronique, sans distinguer entre les e-mails strictement privés et confidentiels et ceux, par exemple, envoyés à un forum de discussion, ces derniers étant par nature une communication au public. Le risque d’assimilation avec un service en ligne serait donc possible, sans précision de la loi. Par exemple, un employeur pourrait ainsi s’arroger le droit de lire la correspondance électronique de ses employés.
Le texte prévoit également un nouveau régime de responsabilité des acteurs de l’Internet, c'est-à -dire les fournisseurs d’accès et les hébergeurs.
Historique d’une régulation avortée : les obligations pesant sur les hébergeurs et fournisseurs d’accès à l’Internet
Les articles 6 et 9 de la loi régissent respectivement la responsabilité civile et pénale des hébergeurs et des fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI).
En principe, la LEN a tenté de transposer à travers ces dispositions, la Directive 2000/31/CE [foruminternet.org] du 8 juin 2000, sur le commerce électronique. Le texte européen, dans ses articles 12 à 14, prévoit en effet une exonération de la responsabilité civile et pénale des prestataires techniques sous certaines conditions. Ces prestataires étant soit simples transporteurs de l’information (article 12), soit ceux qui mettent en mémoire l’information afin d’accélérer le service de transmission ou caching (article 13) et enfin, les hébergeurs (article 14).
La directive instaure le principe suivant lequel les simples transporteurs n’endossent aucune responsabilité tant qu’ils ne modifient pas l’information ou ne choisissent pas le destinataire. En outre, ils seraient tenus par une injonction émanant d’une autorité administrative ou judiciaire visant à mettre un terme à une violation.
Le prestataire de caching n’engage pas sa responsabilité pourvu qu’il "agisse promptement pour retirer l'information qu'il a stockée ou pour en rendre l'accès impossible dès qu'il a effectivement connaissance du fait que l'information à l'origine de la transmission a été retirée du réseau ou du fait que l'accès à l'information a été rendu impossible, ou du fait qu'un tribunal ou une autorité administrative a ordonné de retirer l'information ou d'en rendre l'accès impossible" et à condition qu’il n’ait pas modifié l’information.
Quant à l’hébergeur, sa responsabilité n’est pas engagée s’il n’a pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et si dès le moment où il a de telles connaissances, il agit promptement pour retirer les informations ou en rendre l'accès impossible.
Cependant, le législateur français transposant ce texte, reprend à l’article 6 de la loi, un schéma de responsabilité des hébergeurs déjà proposé en 2000 (loi n° 2000-719 du 1er août 2000) et censuré en son temps par le Conseil constitutionnel.
Ce schéma proposé par la LEN est le suivant : la responsabilité civile des hébergeurs ne peut être engagée "du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si [ils] n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou des faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible" ; et leur responsabilité pénale ne peut être engagée que si ils "n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où [ils] en ont eu connaissance, [ils] ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible".
Cette connaissance peut résulter de la simple dénonciation par une personne, quelle qu’elle soit, pourvu qu’elle s’identifie de façon précise ainsi que le prévoit la loi et détermine elle-même les motifs pour lesquels l’information doit être retirée, leur fondement légal et la justification des faits.
Le législateur - apparemment inspiré par la recommandation du Forum des droits sur l'internet du 6 février 2003 - semble ainsi avoir tiré les leçons de la sanction du Conseil constitutionnel infligée en 2000, même si cela est à notre avis insuffisant pour garantir la liberté individuelle du citoyen.
En 2000, le texte proposait une exonération de la responsabilité des hébergeurs (des fournisseurs de services de stockage) si ces personnes « ayant été saisies par un tiers estimant que le contenu qu’elles hébergent est illicite ou lui cause un préjudice, elles n’ont pas procédé aux diligences appropriées ».
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 27 juillet 2000 censurait cet amendement (proposé par le député Patrick Bloche) retenant :
« Considérant qu'il est loisible au législateur, dans le cadre de la conciliation qu'il lui appartient d'opérer entre la liberté de communication d'une part, la protection de la liberté d'autrui et la sauvegarde de l'ordre public d'autre part, d'instaurer, lorsque sont stockés des contenus illicites, un régime spécifique de responsabilité pénale des « hébergeurs » distinct de celui applicable aux auteurs et aux éditeurs de messages ; que c'est toutefois à la condition de respecter le principe de la légalité des délits et des peines et les dispositions de l'article 34 de la Constitution aux termes desquelles : « La loi fixe les règles concernant : ...la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables... » ;
Considérant qu'en l'espèce, au troisième alinéa du nouvel article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, le législateur a subordonné la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des « hébergeurs », d'une part, à leur saisine par un tiers estimant que le contenu hébergé « est illicite ou lui cause un préjudice », d'autre part, à ce que, à la suite de cette saisine, ils n'aient pas procédé aux « diligences appropriées » ; qu'en omettant de préciser les conditions de forme d'une telle saisine et en ne déterminant pas les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engager, le cas échéant, la responsabilité pénale des intéressés, le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer contraires à la Constitution, au dernier alinéa de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi déférée, les mots « -ou si, ayant été saisies par un tiers estimant que le contenu qu'elles hébergent est illicite ou lui cause un préjudice, elles n'ont pas procédé aux diligences appropriées » (Décision n° 2000-433 DC [foruminternet.org]).
Il subsiste toutefois à l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 les dispositions suivant lesquelles lorsqu’un hébergeur est saisi par une autorité judiciaire et n’agit pas promptement pour retirer le contenu en cause, sa responsabilité, civile ou pénale, reste engagée.
Le nouveau texte prévoit bien désormais les conditions de la saisine et les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engager, le cas échéant, la responsabilité des intéressés. Cependant, il y a lieu d’espérer une nouvelle sanction de la part du Conseil constitutionnel de cette disposition instaurant purement et simplement une censure préalable, sans garantie judiciaire et sans droit à la défense. On peut se demander parfois, à quoi pense le législateur ?
Le texte de la LEN prévoit enfin que les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance ni de recherche des activités illicites. La loi est sur ce point conforme aux principes établis dans la Directive 2000/31/CE [foruminternet.org] relative au commerce électronique, indiquant clairement, dans son article 15, qu'il n’existe pas d'obligation générale de surveillance par les prestataires techniques, des sites hébergés.
En revanche, les hébergeurs sont tenus de concourir à la lutte contre les infractions graves telles que l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale ou encore la pornographie enfantine, ainsi que les infractions prévues à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (notamment l’incitation à commettre des infractions contre les personnes ou contre les biens).
Ils doivent pour ce faire mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données. Ils ont également l'obligation d'informer les autorités publiques et, d'autre part, de rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites. Tout manquement à ces obligations sera puni d'un an d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
Sur la responsabilité des fournisseurs d’accès à l’Internet, l’article 9 de la loi – qui sera inséré à l’article L. 32-3-3 du Code des Postes et des Télécommunications – prévoit que « toute personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de télécommunications ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus que dans les cas où soit elle est à l’origine de la demande de la transmission litigieuse, soit elle sélectionne le destinataire de la transmission, soit elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l’objet de la transmission ».
En outre, il est prévu à l’article L. 32-3-4 que les fournisseurs d’accès ayant enregistré des contenus sur des serveurs proxy afin d’accélérer les transmissions, ne pourront être déclarés responsables civilement ou pénalement que s’ils ont modifié ces contenus, ne se sont pas conformés à leurs conditions d’accès et aux règles usuelles de mise à jour ou ont entravé l’utilisation licite et usuelle de la technologie pour obtenir ces données. Une personne physique ou morale ayant de telles activités de stockage intermédiaire et temporaire engage aussi sa responsabilité si « elle n’a pas agi avec promptitude pour retirer les contenus qu’elle a stockés ou pour en rendre l’accès impossible, dès qu’elle a effectivement eu connaissance soit du fait que les contenus transmis ont été retirés du réseau, soit du fait que l’accès aux contenus transmis initialement a été rendu impossible, soit du fait que les autorités judiciaires ont ordonné de retirer du réseau les contenus transmis initialement ou d’en rendre l’accès impossible ».
En 1996, Monsieur François Fillon, Ministre des Postes et Télécommunications, avait tenté d’ajouter dans la loi de 1986 un article exonérant les fournisseurs d’accès de leur responsabilité pénale, s’ils fournissaient à leurs clients un dispositif technique leur permettant de filtrer le contenu illicite, et si les services fournis n’avaient pas fait l’objet d’un avis défavorable, publié au JO, émanant du Conseil supérieur de la télématique. On imagine la taille du JO devant l’immensité des services du cyberespace (et du nombre de personnes chargées d’émettre cet avis) ! Mais à l’époque, l’Internet français balbutiait.
Le Conseil Constitutionnel avait alors sagement considéré qu’il appartenait au législateur « d’assurer la sauvegarde des droits et liberté constitutionnellement garantis » et que dans la mesure où il déléguait ces pouvoirs à une autorité administrative, le législateur devait en fixer les limites autrement que d’une manière très générale (sur cette question, voir Lionel Thoumyre, "Responsabilités sur le web : une histoire de la réglementation des réseaux numériques", Lex Electronica, vol. 6, n°1, printemps 2000, partie IIB).
Cette fois, les FAI et simples transporteurs sont bel et bien exonérés sauf s’ils ont concouru à l’élaboration de l’information, ou l’ont stockée au-delà de sa présence sur les réseaux ou encore, n’ont pas agi promptement lorsqu’ils sont saisi par une autorité judiciaire.
Les éditeurs sur Internet ne sont pas soumis à la prescription des infractions de presse
Le texte de loi réglemente également la prescription des infractions de presse. Celles-ci seront prescrites dans les conditions de la loi sur la presse (trois mois) lorsque le texte est aussi publié dans une édition papier, à condition d’être identique. Pour les publications uniquement en ligne, le délai de prescription commence à courir à compter de « la date à laquelle cesse la mise à disposition du public ».
L’infraction de presse en ligne devient donc imprescriptible sous prétexte que le texte est toujours disponible. Pour autant, la différence de régime ne semble pas justifiée. Un texte papier est toujours accessible dans une bibliothèque, chez l’éditeur ou dans un vieux tiroir… Pourquoi la presse en ligne serait-elle ainsi pénalisée ?
Ce texte est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Messieurs les législateurs, vous n’avez rien compris à l’Internet ni aux défis que nous lance la société de l’information. Espérons que les sages du Conseil constitutionnel, eux, en auront compris davantage.
Le commerce électronique
Dans un Titre 2 intitulé « Du commerce électronique », le législateur a prévu des dispositions spécifiques destinées à réglementer les échanges en ligne. Un chapitre 1er est consacré aux principes généraux, le chapitre 2 à la publicité par voie électronique, le chapitre 3 aux obligations souscrites sous forme électronique.
Le commerce en ligne est défini comme : « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ;
Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent » (article 14).
Il est important de noter que la définition est nouvelle dans les textes de loi applicables en France, aucune définition n’avait été donnée jusqu’à lors ni même par la Directive 2000/31/CE [foruminternet.org] du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur (« Directive sur le commerce électronique ») [Journal officiel L 178 du 17.07.2000].
Le commerçant en ligne devient responsable, suivant la nouvelle loi, de ce qu’il vend à l’internaute sauf cas de force majeure ou fait du tiers (c'est-à -dire étranger à la prestation). Il est donc tenu de s’assurer du résultat de la livraison même si la défaillance ne lui est pas imputable.
Le texte précise que le commerce en ligne est libre sauf en ce qui concerne des activités réglementées limitativement énumérées qui sont :
« 1° les jeux d’argent, y compris sous forme de paris et de loteries, légalement autorisées ; 2° les activités de représentation et d’assistance en justice ; 3° les activités exercées par les notaires (…). En outre, lorsqu’elle est exercée par des personnes établies dans un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France, l’activité définie à l’article 14 est soumise au respect : 1° des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de service à l’intérieur de la Communauté européenne dans le domaine de l’assurance (…) ; 2° des dispositions relatives à la publicité et au démarchage des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (…) ; 3° des dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielles et à la concentration économique (…) ; 4° des dispositions relatives à l’interdiction ou à l’autorisation de la publicité non sollicitée envoyée par courrier électronique ; 5° Des dispositions du code général des impôts ; 6° Des droits protégés par le code de la propriété intellectuelle ».
Les avocats ne peuvent plus librement avoir un site Internet ; la loi entérine donc les règles adoptées récemment par le Conseil National des Barreaux relatives à l’autorisation préalable ; Ce souci du législateur aura certainement un impact au regard de la concurrence des cabinets étrangers qui eux, n’ont pas de telles restrictions. Il faut noter que la Directive sur le commerce électronique ne s’appliquait pas aux activités de défense par les avocats de leurs clients devant les tribunaux, les autres activités entrant dans le champ de compétence de la Directive (et sont donc libres).
D’autres secteurs semblent oubliés : la pharmacie, la médecine… Les autres professions libérales même réglementées et soumises à un code de déontologie et à un conseil de l’ordre ne sont pas soumises à de telles restrictions. On se demande pourquoi le législateur a établi ces disparités dans la loi ?
La loi applicable au contrat électronique
La loi applicable au contrat électronique est celle de l’Etat membre sur lequel le commerçant est établi sous réserve de la commune intention des parties. Comment doit se manifester cette intention, le législateur n’en parle pas. Or, et ce n’est pas la moindre des difficultés résultant de ce texte, l’acceptation d’une telle clause par le consommateur pourrait tomber sous le coup des règles sur les clauses abusives.
L’application de cette disposition cependant ne peut avoir pour effet « de priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France ».
Le texte ne parle pas du tribunal compétent. La compétence judiciaire est, lorsqu’un consommateur est concerné, définie par le Règlement CE 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, JOCE 16 janvier 2001. Ce Règlement portant révision de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 détermine dans son article 16 : « L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’Etat membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié ». Le consommateur a donc une option quant au tribunal. En pratique, il est évident qu’il choisira celui de son domicile ; le juge de proximité aura désormais la tâche difficile d’apprécier la portée du contrat électronique et d’interpréter la loi étrangère applicable à ce contrat.
Le règlement étant directement applicable dans l’Union européenne, il n’y avait pas lieu d’insérer ces dispositions dans le texte de loi.
La publicité par voie électronique
L’article 22 de la loi, déjà largement commenté (voir notamment Guillaume Tessonnière, « La lutte contre le spamming : de la confiance en l'économie numérique à la méfiance envers ses acteurs », Juriscom.net, 2 avril 2004), choisit le système « opt-in », mettant un frein définitif à la prospection par courrier électronique ou spamming. Ce système en effet, interdit l’envoi de toute publicité sauf si le consommateur a expressément consenti à la recevoir en s’inscrivant sur un fichier spécifique.
Les obligations souscrites sous forme électronique
Enfin, le texte transpose la Directive « Commerce électronique » et soumet le commerçant à des obligations importantes pour le consommateur, lui permettant par exemple, d’identifier clairement le moment où est conclu le contrat. Le commerçant doit ainsi indiquer les « différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ». C’est rarement le cas en pratique, le consommateur n’ayant pas toujours une vision claire de l’intégralité du processus de passation de la commande. L’offre de contracter doit aussi mentionner les moyens techniques permettant au consommateur de corriger les erreurs de saisie des données et de les identifier. Les langues proposées pour la conclusion du contrat doivent être précisées, de même que les modalités d’archivage (si elles existent) et les conditions de cet archivage.
Les dispositions de la nouvelle loi concernent exclusivement les contrats passés par le biais d’un site marchand. Elles ne s’appliqueront pas aux contrats exclusivement conclus par e-mail. De plus, les commerçants entre eux auront la possibilité d’y déroger.
Le cyber-marchand est également tenu de mettre à la disposition de l’internaute les règles professionnelles auxquelles il est soumis.
Toutes ces dispositions seront désormais inscrites à l’article 1369-1 du Code civil.
Lorsque le contrat est conclu, un accusé réception doit être envoyé sous la forme d’un courrier électronique (art. 1369-2).
Une Ordonnance sera prise par le Gouvernement, en vue de préciser les formalités d’établissement et de conservation des contrats électroniques.
Conclusion
Le texte est loin d’être satisfaisant et sur de nombreux points, il apparaît comme liberticide et dangereux. Il est le reflet d’une réflexion si ce n’est hâtive, à tout le moins incomplète. Sa mise en œuvre sera sans doute hasardeuse et ne manquera pas de donner lieu à de nombreux litiges. Nous attendons donc avec impatience la décision de Conseil constitutionnel dans l’affaire 2004-496 DC à intervenir dans le délai d'un mois, selon l'article 61 al. 3 de la Constitution.