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Rubrique : actualités / Branche : droit des obligations ; preuve ; responsabilité / Domaine : contenus et comportements illicites
Citation : Juriscom.net, Sandrine Rouja , Le discernement des intermédiaires techniques passé au peigne fin ... on a de quoi se faire des cheveux blancs ! , Juriscom.net, 25/10/2004
 
 
Le discernement des intermédiaires techniques passé au peigne fin ... on a de quoi se faire des cheveux blancs !

Juriscom.net, Sandrine Rouja

édité sur le site Juriscom.net le 25/10/2004
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Pour qu’un contenu sur Internet soit retiré aux Pays-Bas, il suffit d’ouvrir un compte email au nom d’un avocat reconnu, puis de prétendre que le texte viole le droit d’auteur. Il y aura alors 7 risques sur 10 pour que le texte soit supprimé ! Tel est le résultat d’une expérience menée cet été auprès d’une dizaine de prestataires hollandais de service Internet (John Leiden, "How to kill a website with one email ?", theregister.co.uk, 14 octobre 2004). Un constat à faire dresser les cheveux sur la tête.

L’idée de mettre à l’épreuve un certain nombre de ces prestataires en montant de toutes pièces une fausse affaire de contrefaçon de droit d’auteur, émane d’une association de défense des droits civils sur Internet à Amsterdam, Bits of Freedom. Ce test visait à étudier l’impact de la directive européenne 2000/31/CE [foruminternet.org] relative au commerce électronique, sur l’action des prestataires intermédiaires.

Après avoir conclu 10 contrats d’abonnement auprès de différents hébergeurs et fournisseurs d’accès, l’association a fait paraître sur plusieurs sites Internet un texte de l’auteur hollandais Multatuli (Eduard Douwes Dekker), passé depuis longtemps dans le domaine public puisqu’il date de 1871. Ceci était clairement précisé sur les sites en cause. Puis, empruntant le nom d’un cabinet juridique reconnu aux Pays-Bas, l’association s’est inventée un conseil, pour lequel elle a souscrit une adresse électronique gratuite (nomduconseil@hotmail.com). Ce prestigieux défenseur a prétendu alors agir pour le compte des ayants droit de l’auteur, la fictive « E.D. Dekkers Society Â». Se prévalant de la directive 2000/31/CE, il rappela aux intermédiaires leur responsabilité en matière de contenu illicite et leur demanda de faire cesser la contrefaçon (Sjoera Nas, "The Multatuli Project, ISP Notice & take down", page 3, bof.nl, 1er octobre 2004).

Le résultat ne se fit pas attendre : alors qu’aucune preuve de la contrefaçon n’était avancée, 7 prestataires sur 10 (3 hébergeurs et 4 fournisseurs d’accès), prêtant foi aux arguments d’un soi-disant spécialiste juridique, auraient supprimé le contenu sans se poser plus de questions. Au surplus, un hébergeur aurait même communiqué spontanément toutes les données personnelles de l’abonné, alors même que cela ne lui était aucunement demandé.

Seuls 3 prestataires firent exception. L’un d’eux a même rétorqué qu’il n’avait pas de preuve suffisante pour établir la réalité de la contrefaçon. Ceci, d’une part, parce que l’adresse utilisée par ce pseudo-conseil était gratuite et non vérifiable et, d’autre part, parce qu’aucune preuve ne lui était fournie de l’existence de cette association de défense des droits de l’auteur. « Peut-être Â» pourrait-il traiter la plainte si des éléments de preuve lui parvenaient.

Bits of Freedom en a conclu, amèrement, qu’il était bien plus facile de censurer un contenu sur Internet plutôt que de s’opposer à la parution d’un livre (qui nécessite l’intervention du juge).

Le Conseil constitutionnel en France semble avoir souligné à propos la difficulté pour un prestataire de décider de ce qui est licite ou pas (voir Lionel Thoumyre, ''Comment les hébergeurs français sont devenus juges du manifestement illicite'', Juriscom.net, 28 juillet 2004 et Sandrine Rouja, "Le génocide arménien et la portée juridique de l’article 6 de la LCEN sur la responsabilité des hébergeurs" Juriscom.net, 13 octobre 2004). N’oublions pas, par ailleurs, que l’article 6.I.4 de la LCEN punit - et cela grâce aux recommandations sur la LCEN du Forum des droits sur l'internet - les plaintes abusives d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Sans vouloir couper les cheveux en 4, la morale de l’histoire pourrait être que, si la directive limite la responsabilité des prestataires Internet aux contenus illicites dont ils ont effectivement connaissance, il leur incombe par ailleurs la lourde charge d’examiner le bien-fondé des plaintes correspondantes.

Sandrine Rouja
Rédactrice en chef de Juriscom.net

 

 


 

 

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