Dans sa décision tant attendue, MGM v. Grokster, la Cour Suprême a jugé que « celui qui distribue un objet avec pour but de promouvoir son utilisation afin de contrefaire le copyright, tel que démontré par des manifestations claires ou d’autres actions positives pour encourager la contrefaçon, est responsable des agissements consécutifs contrefaisants des tiers ».
La Cour Suprême ne se prononce pas sur la responsabilité des deux distributeurs de logiciels de peer-to-peer, Grokster et Streamcast, laissant ces questions de faits aux juridictions inférieures. L’affaire est donc renvoyée à la Cour du District Central de Californie pour que celle-ci juge, à la lumière de cette nouvelle règle de droit et éventuellement de nouveaux éléments de faits apportés par les parties, si Grokster et Streamcast sont responsables indirectement des utilisations faites de leurs logiciels par leurs utilisateurs.
MGM v. Grokster est la seule décision, avec la décision Sony de 1984, dans laquelle la Cour Suprême adresse la responsabilité indirecte des sociétés fabriquant ou distribuant des produits pouvant être utilisés à des fins contrefaisantes. Par définition, Grokster ne peut être responsable de ce chef que si les échanges, par ses utilisateurs, de fichiers protégés constituent une contrefaçon.
La Cour Suprême, sans en faire l’analyse, juge que ces échanges ne peuvent constituer un fair use, et ce malgré un jeu d’écritures présenté en soutien aux défendeurs portant une brillante démonstration du caractère non contrefaisant de ces échanges.
Si la Cour affirme maintenir sa décision Sony, avec sa règle très protectrice pour les innovateurs technologiques, on ne pourra s’empêcher de relever que les juges eux-mêmes ne s’accordent pas sur son interprétation.
L’enjeu de MGM v. Grokster, comme le note très justement Justice Breyer, s’étend bien au-delà des parties pour toucher l’ensemble du secteur innovant américain. De par son absence de clarté et la création d’un nouveau régime de responsabilité à l’application difficile, la décision de la Cour ne peut que décevoir.
L'auteur de cet article, Me Olivier Hugot, est avocat à la Cour et au Barreau de New York