A propos de la vénéneuse décision de la Cour de Cassation dans l’affaire « Mulholland Drive »
De vertigineuse à vénéneuse, les décisions judiciaires se succèdent, dans la désormais célèbre affaire Mulholland Drive, à un rythme frénétique qui traduit la volonté des juges d’en découdre au moment où s’annonce enfin la transposition de la directive droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information. La Cour de cassation a entendu faire porter sa voix très haut à un moment stratégique du débat sur l’avenir de la copie privée face aux mesures de protection techniques.
Face à une carence législative coupable, les magistrats ont apporté leur vision de la résolution du conflit par une solution courte niant, à l’instar des décisions de première instance ou d’appel, tout « droit à la copie » privée et poussant le raisonnement jusqu’à la remise en cause du principe même d’une copie privée à l’ère numérique. Les juges suprêmes se sont concentrés sur l’appréciation du triple test face à la copie numérique d’une œuvre inscrite sur un DVD. L’appréciation de la licéité des mesures de protection techniques entravant cette copie apparaît même secondaire.
Or, cette solution est, à bien des égards, dérangeante. En se livrant à une analyse discutable du triple test, la Cour procède à une lecture très orientée de la copie privée numérique, anticipant sur des options qui relèveront peut-être de la loi future mais qui semblent difficilement conciliables avec l’état du droit positif. La décision rendue trouble encore car elle exprime la difficulté de manier le triple test au sein de la relation qu’entretiennent loi et jurisprudence dans le double contexte d’une transposition de directive tardive et d’une aspiration à la massification de la portée de certaines décisions de justice.
La copie privée ne sort pas indemne de la décision de la Cour de cassation et l’interprétation de cette dernière met de l’eau au moulin de ceux qui aspirent à la disparition de la copie privée dans le monde digital.